Page:Leblanc - 813, paru dans Le Journal, du 5 mars au 24 mai 1910.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puyait Sur les r, on devinait un étranger, un Slave.

C’était un homme de trente-huit à quarante ans dont les cheveux châtains se mêlaient sur les tempes à quelques fils d’argent. Il avait un teint de belle santé, de fortes moustaches, et des favoris coupés très courts, à peine dessinés sur la peau fraîche des joues.

Sous son manteau d’automobile, large ouvert, on le voyait correctement vêtu d’une redingote grise qui lui serrait la taille, et d’un gilet à dépassant de outil blanc.

Dolorès cependant se remettait peu à peu. Étonnée d’abord, elle parut ne pas comprendre. Puis, la mémoire lui revenant, d’un signe de tête, elle remercia son sauveur.

Alors il s’inclina profondément et dit :

— Permettez-moi de me présenter… Le prince Sernine.

C’était un nom connu, qu’on lisait souvent dans les « Déplacements et villégiatures ».

Dolorès dit à voix basse :

— Je ne sais comment vous exprimer ma reconnaissance.

— En ne l’exprimant pas, madame.

Il appela son mécanicien :

— Octave, pensez-vous que la réparation soit longue ?

— Très longue, monsieur, et presque impossible avec les moyens dont je dispose. La balle a fait des dégâts.

— Alors, mettez votre machine en marche, Octave. Nous allons reconduire ces dames.

— Mais celle-là, monsieur, nous la laissons sur la route ?

— Pourquoi pas ?

— Et s’ils viennent la chercher ?

Le prince Sernine haussa les épaules, comme si cette question l’intéressait médiocrement auprès du devoir de courtoisie qu’il avait à remplir.

Il aida les deux jeunes femmes à descendre, les installa dans son automobile et leur offrit les vêtements et les couvertures dont il disposait.

Une demi-heure après, l’auto s’arrêtait à la porte de la maison de retraite, et Dolorès retrouva sur le seuil ses deux suivantes Gertrude et Suzanne qui l’attendaient anxieusement.