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fermée à clef et du caillou lancé, et lut la lettre à haute voix :

« Il ne faut pas aller à l’étang. Il y a du danger. »

— Du danger ! s’écria Dolorès qui parut soudain très inquiète ; mais alors ; mais, alors, non, il ne faut pas que vous y alliez.

Geneviève montra le parc désert :

— Quel danger pourrait-il y avoir ? Personne ne se promène. D’ailleurs, les fenêtres des quatre pavillons donnent sur l’étang. Qui donc oserait, en plein jour ?

— C’est vrai, fit Dolorès ; excusez-moi… je suis si nerveuse…

Elle saisit le bras de la jeune fille :

— Parlez, je vous en prie, parlez… je n’aime pas parler, moi, je n’ai pas la force… Mais, eh ce moment, il faut qu’on me parle… que je m’étourdisse. Voyons, je vous dirai tout de suite que nous sommes d’accord… oui, j’ai réfléchi… et je suis contente de vous aider. Combien voulez-vous prendre d’élèves en plus ?

— Mais, dit Geneviève en souriant, le plus que je pourrai. Ce n’est pas la place qui me manque, ni la bonne volonté… c’est… c’est plutôt, hélas ! les moyens.

— Eh bien, prenez-en huit, dix, à mon compte… douze même, si c’est possible… je me charge de tous les frais.

— Oh ! merci, madame.

— Seulement, expliquez-moi ce que vous faites… C’est si curieux que vous ayez fondé cette école pour enfants… comment dites-vous ?… retardataires. Ainsi, on vous envoie toutes les petites filles qui ne comprennent pas, qui ne peuvent pas apprendre à lire où à écrire… les paresseuses ?…

— Mon Dieu oui, fit Geneviève.

Et, déférant au désir de Dolorès, elle exposa son idée, le résultat de ses efforts, et le progrès de ses ambitions.

Les deux jeunes femmes foulaient lentement l’herbe des pelouses, sous les grands arbres vénérables. Le bleu du ciel apparaissait entre les branches, que berçait une brise calme, et il flottait dans l’air des odeurs de printemps et de jeune verdure.

Elles arrivèrent au bord de l’étang, le suivirent et s’accoudèrent au parapet du pont qui le traverse.