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dangereuse ? Et puis, qui donc me voudrait du mal ? Tout le monde est si bon pour moi !

Elle enjamba le rebord de la fenêtre, se laissa glisser parmi les fleurs d’une platebande et s’en revint tourner la clef.

— Pas bien grave, notre captivité, n’est-ce pas, grand’mère ? N’importe, je voudrais bien savoir…

Elle interrogea la petite bonne qui faisait leur ménage. Celle-ci n’avait pas quitté sa cuisine, et, de sa cuisine, elle n’avait rien vu de suspect, ni rien entendu.

Elle rejoignit ses élèves dans le préau et questionna Charlotte, une jeune fille de ses amies, qu’elle s’était attachée récemment comme surveillante et comme auxiliaire. Charlotte ne put lui donner aucun renseignement.

— Allons, dit-elle, le mystère s’éclaircira un jour ou l’autre.

Elle conduisit la petite troupe de ses élèves à l’étude, donna ses instructions à Charlotte, gagna sa chambre, mit son chapeau et retourna vers Mme Ernemont.

— Eh bien, grand’mère, es-tu calmée ?

— Mais oui, mais oui, ma chérie, j’étais folle… Ce caillou, cette lecture stupide…

— Alors, je peux partir ?

— Il le faut même, ma chérie. Et, surtout, sois exacte… À six heures, ici.

— Convenu… Adieu, grand’mère.

— Au revoir, ma Geneviève. Tiens, embrasse-moi encore… plus fort, ma chérie.

— Qu’est-ce que tu as, grand’mère ? Tu as l’air tout émue…

— Mais non, mais non, chérie… Va… et rappelle-toi… six heures… exactement.


II


Le pavillon que Mme Kesselbach habitait à la maison de retraite se trouvait au fond du jardin découpé dans le domaine de Villeneuve. Trois autres pavillons le précédaient, de dimensions égales et de forme identique, que la direction louait aux dames qui désiraient vivre tout à fait à l’écart des autres pensionnaires.

Dolorès Kesselbach n’avait pas conservé Edwards, le valet de chambre de M. Kesselbach. Elle n’avait amené que sa demoiselle de compagnie, Gertrude, avec laquelle elle était arrivée quelques heures après le crime, et la sœur de Gertrude, Suzanne, qui lui servait de femme de chambre, et qu’elle avait fait venir de Monte-Carlo.