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— Enfin, quoi ! grand’mère, nous sommes bien emprisonnées.

— Par exemple ! Qu’est-ce que cela signifie ?

La vieille dame allait et venait avec agitation, tandis que Geneviève riait de bon cœur.

— Que c’est drôle, grand’mère, que c’est amusant ! Mais ris donc, grand’mère ! Il faut toujours rire quand on vous fait une plaisanterie.

— Une plaisanterie ! Et qui s’est permis ?

— Ah ? ça, je l’ignore. Mais ça ne peut pas être sérieux, puisqu’il me suffit d’ouvrir la fenêtre que voici et d’appeler…

— Tes élèves sont dans le préau, à gauche de la cour.

— Si elles n’entendent pas je saute, et je fais le tour pour te délivrer.

Elle s’approcha de la fenêtre, et, subitement, fit un écart, en reculant.

La vitre avait sauté en éclats, et quelque chose jaillissait à travers la pièce qui se heurtait au mur et roulait à terre.

C’était un caillou.

Mme Ernemont tomba assise, tremblante d’effroi, comme si ce caillou annonçait une grêle d’autres cailloux qui allaient s’abattre dans la chambre.

— Un papier, grand’mère ! s’écria Geneviève , il y a un papier attaché par une ficelle.

Elle le déplia aussitôt. Des mois étaient écrits, d’une écriture grossière, maladroite, comme ces mots que l’on trace de la main gauche.

Geneviève lut :

« Mademoiselle, il ne faut pas aller à l’étang. Il y a du danger. »

Mme Ernemont courut précipitamment vers sa petite-fille et la saisit dans ses bras.

— On a raison, ma chérie, on a raison. Pourquoi t’en aller là-bas ? Tu n’as rien à y faire. La personne qui t’écrit cette lettre sait bien ce qu’elle dit. N’y va pas, je t’en prie… N’y va pas.

Geneviève la regarda toute surprise.

— Mais tu disais justement le contraire, il y a dix minutes.

La vieille dame bredouilla :

— Certes ; mais, tu vois, il y a du danger, on t’en avertit…

— Voyons, grand’mère, c’est toujours la même plaisanterie qui dure. En quoi une promenade en plein jour peut-elle être