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Il resta caché pendant plus d’une heure, puis soudain une douzaine d’enfants sortirent de cette maison et se mirent, à jouer dans la cour, en poussant des cris de joie. Une jeune fille apparut, blonde, très simple d’aspect, le visage souriant et doux. Elle portait entre ses mains un ballon qu’elle jeta, et sur lequel les enfants se précipitèrent.

— C’est elle, pensa Varnier.

Il longea la haie et gagna, derrière la maison, un chemin creux où s’ouvrait, à l’abri d’un massif de sureaux disposés en tonnelle, une petite barrière.

Il siffla deux fois, légèrement, coup sur coup, puis dix secondes plus tard, une troisième fois.

Une vieille dame passa la tête à l’une des fenêtres. Un quatrième sifflement. Alors elle descendit les marches du perron et s’avança jusqu’à la tonnelle.

Sous ses cheveux blancs, dont les bandeaux se terminaient par deux anglaises, sa figure, pâle et triste, exprimait une grande inquiétude. Trop forte, de marche lourde, elle avait, malgré son apparence et ses vêtements de dame, quelque chose d’un peu vulgaire. Mais les yeux étaient infiniment bons.

— C’est vous, Varnier ?

— Oui, madame Ernemont.

— Alors, ça tient toujours ?

— Plus que jamais… à six heures… La petite ne se doute de rien.

— De rien. Elle joue avec ses élèves.

— Oui, je l’ai vue. Et vous êtes bien sûre qu’elle ira là-bas ?

— Dès que les élèves seront en classe, elle ira là-bas, à la maison de retraite. Elle a rendez-vous avec la dame à cinq heures, comme hier et comme avant-hier.

— Oui, mais reviendra-t-elle. par l’étang ?

— Sans doute. Elles se promèneront ensemble comme les autres jours. Mais assez parlé, puisque tout est convenu…

— Vous savez bien qu’avec le patron il faut mettre les points sur les i.

— Filez, Geneviève m’appelle.

Mme Ernemont se hâta de rentrer. La jeune fille, en effet, la cherchait.

— Qu’est-ce que tu fais donc, grand’mère ? Tu oublies que c’est l’heure du thé.

— Tes élèves ?

— Elles prennent leur collation dans la cour sous la garde de Charlotte.

— Tu as confiance en Charlotte ?

— Pleine confiance, et puis, quand même, rien ne m’empêcherait de prendre mon thé avec toi, et à l’heure habituelle. C’est notre seul moment d’intimité.

— Que tu es gentille, ma bonne Geneviève !