Chapitre III
Le Prince Sernine à l’ouvrage
I
L’auto s’arrêta au milieu du bois de Viroflay, dans une petite clairière située à deux cents mètres de la route de Paris à Versailles, par Roquencourt.
Le mécanicien resta sur son siège. Deux hommes descendirent de la limousine, et l’un d’eux, s’adressant à son compagnon, ainsi qu’au mécanicien :
— L’endroit est bien choisi. Les feuilles empêchent qu’on voie de la route, et il est peu probable qu’on passe à travers bois.
— Et puis peut-être, dit l’autre, qu’il ne ferait pas bon de mettre le nez dans nos affaires.
— Oui, oui, je sais, repris le premier, tu es toujours pour la bataille, Hippolyte. Mais le patron n’en veut pas, lui. Le mot d’ordre maintenant, c’est prudence et discrétion.
— Soit, je rengaine. Seulement je voudrais bien comprendre… Et toi, Varnier, est-ce que tu y comprends quelque chose à toutes ces manigances-là ?
— Je t’ai déjà dit vingt fois que je n’ai jamais rien compris à rien de rien. Je comprends après, quand tout est fini. Ça s’éclaire, je sais le pourquoi des choses et la fin du fin. Avant, c’est de l’hébreu.
— Tu as dit le mot, c’est de l’hébreu. Et si tu veux que je te dise la vérité vraie, je m’en moque.
— Comme tu as raison !
— Et je m’en moque parce que je suis sûr qu’avec le patron ça finira toujours dans le bon sens. Ah ! Varnier, ce qu’il a bien fait de se remettre en campagne et de nous rappeler. Moi, au premier signal, j’ai tout lâché pour lui.
— Heureusement, dit Varnier, qu’on n’avait pas écouté Jérôme et Marco !…
— Parbleu ! on serait comme eux, sur la paille humide de la prison… Tandis qu’avec le patron on est tranquille… Hein ! tu as vu sa lettre à M. Lenormand ? Est-ce tapé ? Vois-tu, Varnier, j’aurais la tête sous la guillotine que je dormirais tranquille comme dans mon lit.
— Eh bien, dors dans cette voiture, dit Varnier en riant. Aujourd’hui, ta consigne est de ronfler… et quand tu auras fini de ronfler, tu fumeras des pipes.
— C’est tout ?
— Jusqu’à cinq heures et demie. À cinq heures et demie, Jules et toi — tu entends, Jules, dit Varnier au mécanicien — vous sortez l’auto du bois, vous reprenez la grand’route de Paris, vous passez Marnes, et, quatre cents mètres avant la station de Garches, à la grille même du parc de Villeneuve, halte ! C’est là le grand jeu. Il faut y être à six heures tapant… et ne pas ou-