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fût, qui pût se dégager de cette étreinte.

Et pas un mot. Lupin ne prononça aucune de ces paroles où s’amusait d’ordinaire sa verve gouailleuse. Il n’avait pas envie de parler. L’instant était trop solennel.

Nulle joie vaine ne l’émouvait, nulle exaltation victorieuse. Au fond, il n’avait qu’une hâte, savoir qui était là : Louis de Malreich, le condamné à mort ? Un autre ? Qui ?

Au risque d’étrangler l’homme, il lui serra la gorge un peu plus, et un peu plus, et un peu plus encore.

Et il sentit que toute la force de l’ennemi, que tout ce qui lui restait de force, l’abandonnait. Les muscles du bras se détendirent, devinrent inertes. La main s’ouvrit, et lâcha le poignard.

Alors, libre de ses gestes, la vie de l’adversaire suspendue à l’effroyable étau de ses doigts, il prit sa lanterne de poche, posa, sans l’appuyer, son index sur le ressort et l’approcha de la figure de l’homme.

Il n’avait plus qu’à pousser le ressort, qu’à vouloir, et il saurait.

Une seconde, il savoura sa puissance. Un flot d’émotion le souleva. La vision de son triomphe l’éblouit. Une fois de plus, et superbement, héroïquement, il était le maître.

D’un coup sec il fit la clarté. Le visage du monstre apparut.

Lupin poussa un hurlement d’épouvante.

Dolorès Kesselbach !


III


Ce fut dans le cerveau de Lupin, comme un ouragan, un cyclone, où les fracas du tonnerre, des bourrasques de vent, des rafales d’éléments éperdus, se déchaînèrent tumultueusement dans une nuit de chaos.

Et de grands éclairs fouettaient l’ombre. Et, à la lueur fulgurante de ces éclairs, Lupin effaré, secoué de frissons, convulsé d’horreur, Lupin voyait et tâchait de comprendre.

Il ne bougeait pas, cramponné à la gorge de l’ennemi, comme si ses doigts raidis ne pouvaient plus desserrer leur étreinte. D’ailleurs, bien qu’il sût maintenant il n’a-