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— Ne vous agitez pas, monsieur le président…

— Mais cette canaille d’Auguste.

— Une seconde, je vous en prie… j’avais prévu ce dénouement… je l’escomptais même… il n’est pas de meilleur aveu.

Dominé par tant de sang-froid, Valenglay reprit sa place. Au bout d’un instant, Gourel faisait son entrée en tenant par le collet le sieur Daileron, Auguste-Maximin-Philippe, dit Jérôme, chef des huissiers à la présidence du conseil.

— Amène, Gourel ! dit M. Lenormand comme on dit : « apporte ! » au bon chien de chasse qui revient avec le gibier en travers de sa gueule. Il s’est laissé faire ?

— Il a un peu mordu, mais je serrais dur, répliqua le brigadier, en montrant sa main énorme et noueuse.

— Bien, Gourel, et maintenant, laisse-nous.

Gourel s’en alla comme un chien qui retourne à sa niche. Dieusy le suivit, et M. Lenormand dit à l’huissier :

— Nous sommes sage, Auguste-Jérôme ? Nous comprenons mieux la gravité de la situation ? Oui, n’est-ce pas ? Nous grinçons encore des dents… mais tout de même il y a du bon. En ce cas, Auguste-Jérôme, restez là, bien tranquillement, vous n’êtes pas de trop.

Valenglay s’amusait beaucoup. Il se frottait les mains en riant. L’idée que le chef de ses huissiers était un des complices de Lupin lui semblait la plus charmante et la plus ironique des aventures.

Le procureur général et le préfet de police se taisaient, conquis malgré eux par l’autorité de M. Lenormand, et tous trois se demandaient avec curiosité où ce diable d’homme voulait en venir.

Il se remit à marcher de long en large en s’appuyant sur sa canne et reprit :

— Il existe, monsieur le président, une seconde catégorie parmi les complices d’Arsène Lupin. Ce sont des membres affiliés, des correspondants. Ceux-là, à proprement parler, ne travaillent pas. Ils ont leurs professions particulières, la médecine, la magistrature, l’épicerie, la police, professions qui leur servent justement dans l’aide qu’ils apportent à Lupin. Il les emploie comme guides, comme indicateurs, et non d’une manière constante, mais par intervalles, quand il a besoin d’eux, et selon leurs aptitudes. Un tel a la spécialité de la fausse monnaie, un tel maquille les automobiles volées, un autre a des accointances dans le monde des antiquaires, un autre dans le monde religieux. Et c’est ainsi qu’Auguste est huissier à la présidence et spécialiste de fausses signatures. Vous trouverez dans sa chambre de la rue du Colisée un album contenant la signature de