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Lupin bondit, escalada le balcon et sauta dans l’office. Au bruit des pas, il jugea que les assaillants étaient passés dans le jardin, et ce bruit était si net qu’il fut tranquille : les deux gardiens, les Charolais, ne pourraient pas ne pas avoir entendu.

Il monta donc. La chambre de Mme Kesselbach se trouvait sur le palier. Vivement il entra.

À la clarté d’une veilleuse, il aperçut Dolorès, sur un divan, évanouie. Il se précipita sur elle, la souleva, et, d’une voix impérieuse, l’obligeant à répondre.

— Écoutez… les Charolais… Où sont-ils ?

Elle balbutia :

— Comment ?… mais… partis…

— Quoi ! partis !

— Vous m’avez écrit… il y a une heure… un message téléphonique…

Il ramassa près d’elle un papier bleu et lut :


« Renvoyez immédiatement les deux gardiens… et tous mes hommes… je les attends au Grand-Hôtel. Soyez sans crainte. »


— Tonnerre ! et vous avez cru ! Mais vos domestiques ?

— Disparus.

Il s’approcha de la fenêtre. Dehors, trois hommes venaient de l’extrémité du jardin.

Par la fenêtre de la chambre voisine, il en vit deux autres, dans la rue.

Et il songea à Dieudonné, au Joufflu, à Louis de Malreich surtout, qui devait rôder invisible et formidable.

— Bigre, murmura-t-il, ce n’est plus huit contre quatorze, mais huit contre un… Fichue situation !…


III


En cet instant, Arsène Lupin eut l’impression, la certitude qu’il avait été attiré dans un guet-apens par des moyens qu’il n’avait pas le loisir de discerner, mais dont il devinait l’habileté et l’adresse prodigieuses.

Tout était combiné, tout était voulu : l’éloignement de ses hommes, la disparition ou la trahison des domestiques, sa présence