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— Diable ! diable ! Nous ne pouvons pourtant pas arrêter le premier venu.

— Ça vaudrait mieux que de n’arrêter personne, fit Valenglay en riant… Voyons, cherchez bien… Êtes-vous sûr d’Edwards, le domestique de Kesselbach ?

— Absolument sûr… Et puis, non, monsieur le président, ce serait dangereux, ridicule… et je suis persuadé que M. le procureur général lui-même… Il n’y a que deux individus que nous ayons le droit d’arrêter… L’assassin… je ne le connais pas… et Arsène Lupin.

— Eh bien ?

— On n’arrête pas Arsène Lupin… ou du moins il faut du temps, un ensemble de mesures… que je n’ai pas encore eu le loisir de combiner, puisque je croyais Lupin rangé… ou mort.

Valenglay frappa du pied avec l’impatience d’un homme qui aime bien que ses désirs soient réalisés sur-le-champ.

— Cependant…, cependant…, mon cher Lenormand, il le faut… Il le faut pour vous aussi… Vous n’êtes pas sans savoir que vous avez des ennemis puissants… et que, si je n’étais pas là… Enfin, il est inadmissible que vous, Lenormand, vous vous dérobiez ainsi… Et les complices, qu’en faites-vous ? Il n’y a pas que Lupin… Il y a Marco…, il y a aussi le coquin qui a joué le personnage de M. Kesselbach pour descendre dans les caves du Crédit Lyonnais.

— Celui-là, vous suffirait-il, monsieur le président ?

— S’il me suffirait ! Nom d’un chien, je vous crois.

— Eh bien, donnez-moi huit jours.

— Huit jours ! mais ce n’est pas une question de jours, mon cher Lenormand, c’est une question d’heures.

— Combien m’en donnez-vous, monsieur le président ?

Valenglay tira sa montre et ricana :

— Je vous donne dix minutes, mon cher Lenormand.

Le chef de la Sûreté tira la sienne et scanda, d’une voix posée :

— C’est quatre de trop, monsieur le président.


II


Valenglay le regarda, stupéfait.

— Quatre de trop ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Je dis, monsieur le président, que les dix minutes que vous m’accordez sont inutiles. J’en ai besoin de six, pas une de plus.

— Ah ! çà, mais, Lenormand… la plaisanterie ne serait peut-être pas d’un goût…