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tenait l’autre par la main. Ça m’a étonnée de voir ces deux messieurs dans l’escalier de service.

— Vous pourriez les reconnaître ?

— Le premier, non. Il a tourné la tête. C’est un mince, blond. Il avait un chapeau mou, noir… et des vêtements noirs.

— Et l’autre ?

— Ah ! l’autre, c’est un Anglais, avec une grosse figure toute rasée et des vêtements à carreaux. Il avait la tête nue.

Le signalement se rapportait en toute évidence à Chapman. La femme ajouta :

— Il avait un air… un air tout drôle… comme s’il était fou.

L’affirmation de Gourel ne suffit pas à M. Lenormand. Il questionna tour à tour les grooms qui stationnaient aux deux portes.

— Vous connaissiez M. Chapman ?

— Oui, monsieur, il causait toujours avec nous.

— Et vous ne l’avez pas vu sortir ?

— Pour ça, non. Il n’est pas sorti ce matin.

M. Lenormand se retourna vers le commissaire de police :

— Combien avez-vous d’hommes, monsieur le commissaire ?

— Quatre.

— Ce n’est pas suffisant. Téléphonez à votre secrétaire qu’il vous expédie tous les hommes disponibles. Et veuillez organiser vous-même la surveillance la plus étroite à toutes les issues. L’état de siège, monsieur le commissaire…

— Mais enfin, protesta le directeur, mes clients…

— Je me fiche de vos clients, monsieur. Mon devoir passe avant tout, et mon devoir est d’arrêter, coûte que coûte…

— Vous croyez donc ?… hasarda le juge d’instruction.

— Je ne crois pas, monsieur… je suis sûr que l’auteur du double assassinat se trouve encore dans l’hôtel.

— Mais alors, Chapman…

— À l’heure qu’il est, je ne puis répondre que Chapman soit encore vivant. En tout cas, c’est une question de minutes, de secondes… Gourel, prends deux hommes et fouille toutes les chambres du quatrième étage… Monsieur le directeur, un de vos employés les accompagnera. Pour les autres étages, je marcherai quand nous aurons du renfort. Allons, Gourel, en chasse, et ouvre l’œil… C’est du gros gibier.

Gourel et ses hommes se hâtèrent. M. Lenormand, lui, resta dans le hall et près des bureaux de l’hôtel. Cette fois, il ne pensait pas à s’asseoir, selon son habitude. Il marchait de l’entrée principale à l’entrée de la rue Orvieto et revenait à son point de départ.

De temps à autre, il ordonnait :

— Monsieur le directeur, qu’on surveille les cuisines, on pourrait s’échapper par là…

» Monsieur le directeur, dites à votre demoiselle du téléphone qu’elle n’accorde la communication à aucune des personnes de l’hôtel qui voudraient téléphoner avec la ville. Si on lui téléphone de la ville, qu’elle mette en communication avec la personne demandée, mais alors qu’elle prenne note du nom de la personne.

» … Monsieur le directeur, faites dresser la liste de vos clients dont le nom commence par un L ou par un M.

Il disait tout cela à haute voix, en général d’armée qui jette à ses lieutenants des ordres dont dépendra l’issue de la bataille.

Et c’était vraiment une bataille impla-