Page:Leblanc - 813, paru dans Le Journal, du 5 mars au 24 mai 1910.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cation étaient verrouillées des deux côtés.

Il demanda :

— Aucune de ces pièces n’est occupée ?

— Aucunes.

— Les clefs ?

— Les clefs sont toujours au bureau.

— Alors, personne ne pouvait s’introduire ?…

— Personne, sauf le garçon d’étage chargé d’aérer et d’épousseter.

— Faites-le venir.

Le domestique, un nommé Gustave Beudot, répondit que la veille, selon sa consigne, il avait fermé les fenêtres des cinq chambres.

— À quelle heure ?

— À six heures du soir.

— Et vous n’avez rien remarqué ?

— Non, rien.

— Et ce matin ?

— Ce matin, j’ai fermé les fenêtres, sur le coup de huit heures.

— Et vous n’avez rien trouvé ?

— Non… rien… Ah ! cependant…

Il hésitait. On le pressa de questions, et il finit par avouer :

— Eh bien, j’ai ramassé, près de la cheminée du 420, un étui à cigarettes… que je me proposais de porter ce soir au bureau.

— Vous l’avez sur vous ?

— Non, il est dans ma chambre. C’est un étui en acier bruni. D’un côté, on met du tabac et du papier à cigarettes, de l’autre des allumettes. Il y a deux initiales en or… un L et un M.

— Que dites-vous ?

C’était Chapman qui s’était avancé, Il semblait très surpris, et, interpellant le domestique :

— Un étui en acier bruni, dites-vous ?

— Oui.

— Avec trois compartiments pour le tabac, le papier et les allumettes… du tabac russe, n’est-ce pas ? fin, blond…

— Oui.

— Allez le chercher… Je voudrais voir… me rendre compte moi-même…

Sur un signe du chef de la Sûreté, Gustave Beudot s’éloigna.

M. Lenormand s’était assis, et, de son regard aigu, il examinait le tapis, les meubles, les rideaux. Il s’informa :

— Nous sommes bien au 420, ici ?

— Oui.

Le juge ricana :

— Je voudrais bien savoir quel rapport vous établissez entre cet incident et le drame. Cinq portes fermées nous séparent de la pièce où M. Kesselbach a été assassiné.

M. Lenormand ne daigna pas répondre.

Du temps passa. Gustave ne revenait point.

— Où couche-t-il, monsieur le directeur ? demanda le chef.

— Au sixième, sur la rue de Judée, donc, au-dessus ce nous. Il est curieux qu’il ne soit pas encore là.

— Voulez-vous avoir l’obligeance d’envoyer quelqu’un ?

Le directeur s’y rendit lui-même, accompagné de Chapman. Quelques minutes après, il revenait seul, en courant, les traits bouleversés.

— Eh bien ?

— Mort…

— Assassiné ?

— Oui.

— Ah ! tonnerre, ils sont de force, les misérables ! proféra M. Lenormand… Au galop, Gourel, qu’on ferme les portes de l’hôtel… Veille aux issues… Et vous, monsieur le directeur, conduisez-nous dans la chambre de Gustave Beudot.