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posée, devant moi, dans ce sac de voyage.

M. Formerie pris le sac et fouilla. L’enveloppe ne s’y trouvait pas.

Il se frotta les mains.

— Allons, tout s’enchaîne… nous connaissons le coupable, les conditions et le mobile du crime. Cette affaire-là ne traînera pas. Nous sommes bien d’accord sur tout, monsieur Lenormand ?

— Sur rien.

Il y eut un instant de stupéfaction. Le commissaire de police était arrivé et derrière lui, malgré les agents qui gardaient la porte, la troupe des journalistes et le personnel de l’hôtel avaient forcé l’entrée et stationnaient dans l’antichambre.

Si notoire que fût la rudesse du bonhomme, rudesse qui n’allait pas sans quelque grossièreté et qui lui avait déjà valu certaines semonces en haut lieu, la brusquerie de la réponse déconcerta. Et M. Formerie, tout spécialement, parut interloqué.

— Pourtant, dit-il, je ne vois rien là que de très simple : Lupin est le voleur…

— Pourquoi a-t-il tué ? Lui jeta M. Lenormand.

— Pour voler.

— Pardon, le récit des témoins prouve que le vol a eu lieu avant l’assassinat. M. Kesselbach a d’abord été ligoté et bâillonné, puis volé. Pourquoi Lupin qui, jusqu’ici, n’a jamais commis de crime, aurait-il tué un homme réduit à l’impuissance et déjà dépouillé ?

Le juge d’instruction caressa ses longs favoris blonds d’un geste qui lui était familier quand une question lui paraissait insoluble. Il répondit d’un ton pensif :

— Il y a à cela plusieurs réponses…

— Lesquelles ?

— Cela dépend… cela dépend d’un tas d’éléments encore inconnus… Et puis d’ailleurs l’objection ne vaut que pour la nature des motifs. Pour le reste nous sommes d’accord.

— Non.

Cette fois encore, ce fut net, coupant, presque impoli, au point que le juge, tout à fait désemparé, n’osa même pas protester et qu’il resta interdit devant cet étrange collaborateur. À la fin il articula :

— Chacun son système. Je serais curieux de connaître le vôtre.

— Je n’en ai pas.

Le chef de la Sûreté se leva et fil quelques pas à travers le salon, en s’appuyant sur sa canne. Autour de lui, on se taisait… et c’était assez curieux de voir, dans un groupe où il n’occupait somme toute, qu’une situation d’auxiliaire, de subordonné, ce vieux homme malingre et cassé dominer les autres par la force d’une autorité que l’on subissait sans l’accepter encore.

Après un long silence, il prononça :

— Je voudrais visiter les pièces qui touchent à cet appartement.

Le directeur lui montra le plan de l’hôtel. La chambre de droite, celle de M. Kesselbach, n’avait point d’autre issue que le vestibule même de l’appartement. Mais la chambre de gauche, celle du secrétaire, communiquait avec une autre pièce.

— Visitons-la, dit-il.

M. Formerie ne put s’empêcher de hausser les épaules et de bougonner :

— Mais la porte de communication est verrouillée et la fenêtre close.

— Visitons-la, répéta M. Lenormand.

On le conduisit dans cette pièce qui était la première des cinq chambres réservées à Mme Kesselbach. Puis, sur sa prière, on le conduisit dans les chambres qui suivaient. Toutes les portes de communi-