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“813”

Il délirait, embrouillant les noms, le cerveau affaibli.

Mais, en descendant à la gare de Bruggen, il eut, au grand air frais du matin, un sursaut de conscience. Brusquement les choses prenaient un autre aspect. Et il s’écria :

— Eh ! tant pis, après tout ! il n’avait qu’à protester… Je ne suis responsable de rien, c’est lui qui s’est suicidé… Ce n’est qu’un comparse dans l’aventure… Il succombe… Je le regrette… Mais quoi !

Le besoin d’agir l’enivrait de nouveau. Et, bien que blessé, torturé par ce crime dont il se savait malgré tout l’auteur, il regardait cependant vers l’avenir.

« Ce sont les accidents de la guerre. N’y pensons pas. Rien n’est perdu. Au contraire ! Dolorès était l’écueil, puisque Pierre Leduc l’aimait. Dolorès est morte. Donc Pierre Leduc m’appartient. Et il épousera Geneviève, comme je l’ai décidé ! Et il régnera ! Et je serai le maître ! Et l’Europe, l’Europe est à moi ! »

Il s’exaltait, rasséréné, plein d’une confiance subite, tout fiévreux, gesticulant sur la route, faisant des moulinets avec une épée imaginaire, l’épée du chef qui veut, qui ordonne, et qui triomphe.

— Lupin, tu seras roi ! Tu seras roi, Arsène Lupin.

Au village de Bruggen, il s’informa et apprit que Pierre Leduc avait déjeuné la veille à l’auberge. Depuis, on ne l’avait pas vu.

— Comment, dit Lupin, il n’a pas couché ?

— Non.

— Mais où est-il parti après son déjeuner ?