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la fille des derniers Malreich, de la mère démente et du père ivrogne, elle-même était folle. Folle étrange, folle avec toute l’apparence de la raison, mais folle cependant, déséquilibrée, malade, hors nature, vraiment monstrueuse.

En toute certitude il comprit cela ! C’était la folie du crime. Sous l’obsession d’un but vers lequel elle marchait automatiquement, elle tuait, avide de sang, inconsciente et infernale.

Elle tuait parce qu’elle voulait quelque chose, elle tuait pour se défendre, elle tuait pour cacher qu’elle avait tué. Mais elle tuait aussi, et surtout, pour tuer. Le meurtre satisfaisait en elle des appétits soudains et irrésistibles. À certaines secondes de sa vie, dans certaines circonstances, en face de tel être, devenu subitement l’adversaire, il fallait que son bras frappât.

Et elle frappait, ivre de rage, férocement, frénétiquement.

Folle étrange, irresponsable de ses meurtres, et cependant si lucide en son aveuglement ! si logique dans son désordre ! si intelligente dans son absurdité ! Quelle adresse ! Quelle persévérance ! Quelles combinaisons à la fois détestables et admirables !

Et Lupin, en une vision rapide, avec une acuité prodigieuse de regard, voyait la longue série des aventures sanglantes, et devinait les chemins mystérieux que Dolorès avait suivis.

Il la voyait, obsédée et possédée par le projet de son mari, projet qu’elle ne devait évidemment connaître qu’en partie. Il la voyait cherchant, elle aussi, ce Pierre Leduc que son mari