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“813”

Charlemagne prussien, mais inquiets, tous prêts à s’affranchir… Comprenez-vous tout ce qu’un homme comme moi peut faire là au milieu, tout ce qu’il peut éveiller d’aspirations, tout ce qu’il peut souffler de haines, tout ce qu’il peut susciter de révoltes et de colères ?

Plus bas encore, il répéta :

— Et à gauche, l’Alsace-Lorraine !… Comprenez-vous ? Cela, des rêves, allons donc ! c’est la réalité d’après-demain… de demain… Oui… je veux… je veux… Oh ! tout ce que je veux et tout ce que je ferai, c’est inouï !… Mais pensez donc, à deux pas de la frontière d’Alsace ! en plein pays allemand ! près du vieux Rhin ! Il suffira d’un peu d’intrigue, d’un peu de génie, pour bouleverser le monde. Le génie, j’en ai… j’en ai à revendre… Et je serai le maître ! Je serai celui qui dirige. Pour l’autre, pour le fantoche, le titre et les honneurs… Pour moi, le pouvoir ! Je resterai dans l’ombre. Pas de charge : ni ministre, ni même chambellan ! Rien. Je serai l’un des serviteurs du palais, le jardinier peut-être… Oui, le jardinier… Oh ! la vie formidable ! cultiver des fleurs et changer la carte de l’Europe !

Elle le contemplait avidement, dominée, soumise par la force de cet homme. Et ses yeux exprimaient une admiration qu’elle ne cherchait point à dissimuler.

Il posa les mains sur les épaules de la jeune femme et il dit :

— Voilà mon rêve. Si grand qu’il soit, il sera dépassé par les faits, je vous le jure. Le Kaiser a déjà vu ce que je valais. Un jour, il