Page:Leblanc - 813, 1910.djvu/441

Cette page a été validée par deux contributeurs.
“813”
431

longs cils noirs. Mais comme elle sentait le regard d’amour qui cherchait son regard ! Comme elle frémissait sous la caresse impalpable !

— Elle l’aime… elle l’aime, se dit Lupin, brûlé de jalousie.

Et, comme Pierre faisait un geste :

— Oh ! le misérable, s’il ose la toucher, je le tue. 

Et il songeait, tout en constatant la déroute de sa raison, et en s’efforçant de la combattre :

— Suis-je bête ! Comment, toi, Lupin, tu te laisses aller !… Voyons, c’est tout naturel si elle l’aime… Oui, évidemment, tu avais cru deviner en elle une certaine émotion à ton approche… un certain trouble… Triple idiot, mais tu n’es qu’un bandit, toi, un voleur… tandis que lui, il est duc, il est jeune. 

Pierre n’avait pas bougé davantage. Mais ses lèvres remuèrent, et il sembla que Dolorès s’éveillait. Doucement, lentement, elle leva les paupières, tourna un peu la tête, et ses yeux se donnèrent à ceux du jeune homme, de ce même regard qui s’offre, et qui se livre, et qui est plus profond que le plus profond des baisers.

Ce fut soudain, brusque comme un coup de tonnerre. En trois bonds, Lupin se rua dans le salon, s’élança sur le jeune homme, le jeta par terre, et, le genou sur la poitrine de son rival, hors de lui, dressé vers Mme Kesselbach, il cria :

— Mais vous ne savez donc pas ? Il ne vous a pas dit, le fourbe ?… Et vous l’aimez, lui ! Il a donc une tête de grand-duc ? Ah ! que c’est drôle !…