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LA CARTE DE L’EUROPE


I


Pierre Leduc aimait Dolorès !

Ce fut en Lupin une douleur profonde, aiguë, comme s’il avait été blessé dans le principe même de sa vie, une douleur si forte qu’il eut — et c’était la première fois — la vision nette de ce que Dolorès était devenue pour lui, peu à peu, sans qu’il en prît conscience.

Pierre Leduc aimait Dolorès, et il la regardait comme on regarde celle qu’on aime.

Lupin sentit en lui, aveugle et forcené, l’instinct du meurtre. Ce regard, ce regard d’amour qui se posait sur la jeune femme, ce regard l’affolait. Il avait l’impression du grand silence qui enveloppait la jeune femme et le jeune homme, et, dans ce silence, dans l’immobilité des attitudes, il n’y avait plus de vivant que ce regard d’amour, que cet hymne muet et voluptueux par lequel les yeux disaient toute la passion, tout le désir, tout l’enthousiasme, tout l’emportement d’un être pour un autre.

Et il voyait Mme Kesselbach aussi. Les yeux de Dolorès étaient invisibles sous ses paupières baissées, ses paupières soyeuses aux