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“813”

— C’est un client. Il vient deux ou trois fois la semaine.

— Vous connaissez son nom ?

— Parbleu oui !… Léon Massier.

— Ah ! balbutia Lupin, tout ému, L. M… les deux lettres… serait-ce Louis de Malreich ?

Il le contempla avidement. En vérité l’aspect de l’homme se trouvait conforme à ses prévisions, à ce qu’il savait de lui et de son existence hideuse. Mais ce qui le troublait, c’était ce regard de mort, là où il attendait la vie et la flamme… c’était l’impassibilité, là où il supposait le tourment, le désordre, la grimace puissante des grands maudits.

Il dit au garçon :

— Que fait-il, ce monsieur ?

— Ma foi, je ne saurais trop dire. C’est un drôle de pistolet… Il est toujours tout seul… Il ne parle jamais à personne… Ici nous ne connaissons même pas le son de sa voix. Du doigt il désigne sur le menu les plats qu’il veut… En vingt minutes, c’est expédié… Il paye… s’en va…

— Et il revient ?

— Tous les quatre ou cinq jours. Ce n’est pas régulier.

— C’est lui, ce ne peut être que lui, se répétait Lupin, c’est Malreich, le voilà… il respire à quatre pas de moi. Voilà les mains qui tuent. Voilà le cerveau qu’enivre l’odeur du sang… Voilà le monstre, le vampire…

Et pourtant, était-ce possible ? Lupin avait fini par le considérer comme un être tellement fantastique qu’il était déconcerté de le voir sous une forme vivante, allant, venant, agissant.