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CHARLEMAGNE


I


— Silence, dit vivement l’étranger. Ne prononcez pas ce mot-là.

— Comment dois-je appeler Votre…

— D’aucun nom.

Ils se turent tous les deux, et ce moment de répit n’était pas de ceux qui précèdent la lutte de deux adversaires prêts à combattre. L’étranger allait et venait, en maître qui a coutume de commander et d’être obéi. Lupin, immobile, n’avait plus son attitude ordinaire de provocation ni son sourire d’ironie. Il attendait, grave et déférent. Mais, au fond de son être, ardemment, follement, il jouissait de la situation prodigieuse où il se trouvait, là, dans cette cellule de prisonnier, lui détenu, lui l’aventurier, lui l’escroc et le cambrioleur, lui, Arsène Lupin et, en face de lui, ce demi-dieu du monde moderne, entité formidable, héritier de César et de Charlemagne.

Sa propre puissance le grisa un moment. Il eut des larmes aux yeux, en songeant à son triomphe.

L’étranger s’arrêta.

Et tout de suite, dès la première phrase, on fut au cœur de la position.