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et ce n’était pas une vaine curiosité qui le stimulait, lui, mais une inquiétude réelle, une angoisse de tous les instants.

Il se sentait irrévocablement seul, avec des mains impuissantes, une volonté impuissante, un cerveau impuissant. Qu’il fût habile, ingénieux, intrépide, héroïque, cela ne servait à rien. La lutte se poursuivait en dehors de lui. Maintenant son rôle était fini. Il avait assemblé les pièces et tendu tous les ressorts de la grande machine qui devait produire, qui devait en quelque sorte fabriquer mécaniquement sa liberté, et il lui était impossible de faire aucun geste pour perfectionner et surveiller son œuvre.

À date fixe, le déclenchement aurait lieu. D’ici là, mille incidents contraires pouvaient surgir, mille obstacles se dresser, sans qu’il eût le moyen de combattre ces incidents ni d’aplanir ces obstacles.

Lupin connut alors les heures les plus douloureuses de sa vie. Il douta de lui. Il se demanda si son existence ne s’enterrerait pas dans l’horreur du bagne.

Ne s’était-il pas trompé dans ses calculs ? N’était-il pas enfantin de croire que, à date fixe, se produirait l’événement libérateur ?

— Folie ! s’écriait-il, mon raisonnement est faux… Comment admettre pareil concours de circonstances ? Il y aura un petit fait qui détruira tout… le grain de sable…

La mort de Steinweg et la disparition des documents que le vieillard devait lui remettre ne le troublaient point. Les documents, il lui eût été possible, à la rigueur, de s’en passer,