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Chacune de ses provinces a eu son poète enthousiaste et son peintre fervent, et le souvenir de certaines pages s’associe malgré nous au nom de tel vieux pays français : Montpassant et le pays de Caux, Barbey d’Aurevilly et le Cottentin, George Sand et le Berry, Ferdinand Fabre et les Cévennes, Daudet et la Provence, Barrès et la Lorraine… Géographie idéale, Atlas merveilleux qui nous inspire le désir irrésistible d’aller en ces endroits et d’y goûter sous les mêmes cieux les mêmes sensations et les mêmes voluptés.

Et les villes aussi s’évoquent à la voix des magiciens, nos chères villes de France où il en est de si curieuses et de si charmantes. N’êtes-vous pas tenté de connaître Thiers et Boussac après avoir lu la « Ville noire » et « Jeanne » de Sand, Rouen après la « Bovary » de Flaubert, Chartres après la « Cathédrale » de Huysmans ? Et qui nous enseignerait mieux Versailles que Henri Régnier, Tours que René Boylesve, Saint-Malo ou Moret que que notre délicieux Marcel Boulenger ?

Mais le maître, le guide inévitable auquel il nous faut à tout instant nous adresser, celui dont la silhouette colossale se dresse aux quatre coins de la France, c’est le grand, c’est le prodigieux Balzac. Il a tout vu lui, on le rencontre au détour de tous les chemins, à l’horizon de toutes les campagnes et au seuil des villes les plus mystérieuses. Dans sa vie si courte et si formidablement remplie, il a eu le temps, à l’époque des diligences, d’aller d’une frontière à l’autre, de s’arrêter partout où il vaut la peine que l’on s’arrête, et de s’imprégner à tel point des beautés, de la physionomie et des mœurs de chaque endroit, qu’on le croirait habitant de la cité, paysan du pays qu’il décrit.

Grâce à lui j’ai vu des choses que je n’aurais point vues, et à travers lui je les ai comprises. Mais cette fois-ci, j’ai voulu faire mieux, et je réalise en ce moment un projet qui me sollicitait depuis longtemps.