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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE
UN GENTLEMAN
Je n’ai jamais rencontré un homme
plus distingué, d’une correction plus
avenante et qui inspirât à la fois plus
de sympathie et de déférence involontaire.
C’est dans le train de Paris au Havre
que nous fîmes connaissance et que
nous liâmes conversation. Entretien délicieux
dont je garderai un souvenir
durable, dont j’ai toutes les raisons pour
garder un souvenir durable ; son accent
étranger donnait à sa voix un charme
infini et en quelque sorte musical :
grand seigneur dans toute l’acception
du mot, homme de sport comme j’ai
rarement eu l’occasion d’en fréquenter,
il avait sur les choses qui me tiennent le
plus à cœur des idées précises, justes,
enthousiastes et raisonnables.
Quelle fut ma surprise lorsque, lui
ayant dit incidemment que je cherchais
à vendre ma 24-chevaux pour en acheter
une plus rapide, je l’entendis me répondre
qu’il n’avait jamais fait d’automobile !
— Et ce n’est pourtant pas le désir qui
m’en manque, ajouta-t-il ; je vous avouerai
même que, j’ai été sur le point d’en
acquérir une à Paris, mais c’est un tel
apprentissage, cela me semble si compliqué…
— Mais non, mais non, lui dis-je, venez
voir la mienne un de ces jours, je
vous expliquerai le mécanisme en quelques
mots, vous verrez combien c’est
simple… Cela vous décidera peut-être.