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— Très bien, fit Raymonde, prête à bâiller.

— Il arrivera ceci, c’est que tout se fera mécaniquement, c’est que la nature asservie travaillera pour nous. Le vent sera recueilli et mis en grange, le soleil emmagasiné comme une marchandise. Il suffira de tourner un robinet pour que vous arrivent à flots la chaleur, la lumière, le mouvement. D’année en année la part de l’effort diminuera. Les huit heures que réclame l’ouvrier se réduiront à six, à quatre, à deux, jusqu’au moment où chaque individu n’aura plus à exercer par jour qu’une surveillance de quelques minutes peut-être pour que s’accomplissent toutes les besognes, tous les ouvrages, toutes les constructions, tous les rêves les plus compliqués que son cerveau aura conçus. Quel sera le rôle de la force humaine dans cette société idéale que nous expose la théorie socialiste et qui est celle évidemment vers laquelle nous évoluons ? Absolument nul. Ce qui l’entretient, c’est la nécessité. Le monde puise ses qualités physiques dans ce grand réservoir d’énergie et d’endurance qu’est le peuple. Du jour où le peuple ne sera plus obligé de travailler, la somme de ces qualités diminuera et s’abolira.

Sans même respirer il reprit :

— C’est alors que le sport rétablira l’équilibre, et c’est en prévision de cet avenir plus ou moins proche que l’homme, averti par son instinct et aussi par ce qui se passe déjà, accordera une place de plus en plus importante au perfectionnement de ses muscles. Le sport ne sera plus regardé comme un amusement et un hors-d’œuvre, mais comme le principe essentiel de la conservation de la race. À ce titre, il gagnera en honneur et en considération. N’avons-nous pas l’exemple de la Grèce, où toutes les beso-