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formant un vélodrome en miniature.

Les allées étaient coupées d’obstacles, si comiques dans leur exiguïté ! des fossés de cinquante centimètres de largeur… des cordes tendues à un pied du sol… Et, sous ce hangar, quel étrange gymnase pour enfants ! Quelle collection de petits haltères mignons, proprets, légers à l’œil comme des jouets de poupées ! Et ces fleurets délicats, à poignée creuse… et ces mignonnes carabines… et, cloué au mur, ce « sandow » pour nouveau-né !…

J’étais confondu. Daniel cependant ne montrait aucun embarras. Au contraire, il me faisait remarquer avec une certaine complaisance tous ses ustensiles de sport et l’ingéniosité de leurs formes et de leurs dimensions. Ne voyait-il donc pas ce qu’il y avait de navrant dans l’étalage, dans l’aveu d’une telle déchéance !

— Qu’en dis-tu ? s’exclamait-il… hein ! on ne se laisse pas trop rouiller. On a les bons principes. Certes, je ne suis plus celui d’autrefois. Hélas ! non, et je ne le redeviendrai pas. Mais, enfin, on se défend.

S’asseyant en plein soleil, il s’enveloppa d’une couverture et continua :

— Vois-tu, tout est relatif. Le véritable athlète n’est pas l’homme qui l’emporte sur ses concurrents par l’énormité de sa force, mais l’homme qui tire de lui-même tout ce qu’il est possible d’en tirer comme force. Un colosse, même veule et lâche, aura raison d’un moins fort, celui-ci fût-il brave et nerveux, et des deux cependant l’athlète sera le vaincu. « Tout ce qu’il est possible de tirer de soi, » rappelle-toi ces mots : ils précisent le point de vue auquel on doit se placer. Notre maximum de force, d’endurance, d’agilité, d’adresse, d’énergie, de ténacité, voilà ce qui constitue l’athlète,

Un peu d’exaltation le fit tousser. Il se calma et reprit :