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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

Une Promenade

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— En attendant le retour de mon mécanicien, je rangeai la voiture dans une des allées qui traversent les Acacias et me promenai de long en large.

Une jeune femme, accompagnée de deux petites filles et d’une gouvernante, s’arrêta devant l’automobile et prononça quelques mots que je n’entendis point. Elle continua sa route, puis revint sur ses pas, allant et venant comme moi. Je la croisai donc à diverses reprises. Elle était grande, d’allures très souples, et son visage, sous le voile qui le couvrait, me parut admirablement beau.

Au bout de quelques minutes, comme je passais près d’elle, une des petites filles s’écria :

— Tu sais, maman, papa m’a fait promettre de le rejoindre à deux heures.

La jeune femme tira sa montre et dit à la gouvernante :

— Vous allez les conduire, Hélène, et vous prierez monsieur de venir me chercher ici vers cinq heures avec la victoria et les enfants. Je vais me reposer. Il fait si beau.

L’une après l’autre, ses filles lui sautèrent au cou. Elle les embrassa tendrement et les suivit d’un long regard affectueux jusqu’à ce qu’elles disparussent. Alors elle s’assit et ouvrit un livre.

Un quart d’heure s’écoula. Un peu énervé d’attendre, je mis la voiture en mouvement et me disposais même au départ, quand l’inconnue se leva, s’approcha de moi et me dit vivement :

— Monsieur…

Elle hésita et, plus calme, sourit.