Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

QUELQU’UN

Séparateur

Hector Beaugrain eut son heure de célébrité.

En ce temps-là, la bicyclette était reine. Non point que, depuis, elle ait déchu de sa puissance, loin de là ; mais elle régnait alors sur un monde où sa royauté n’est plus acceptée par des sujets aussi fidèles, je veux dire sur le monde, sur le grand monde de Paris. Le monde venait de la découvrir, le monde s’en était engoué, il était de bon ton, dans le monde, de se montrer le matin au Bois à bicyclette.

C’est l’époque où Hector Beaugrain atteignit à la célébrité. Déjà possesseur d’une machine, ancien fervent déjà du petit tour matinal, ayant devancé par conséquent le mouvement, il fut, du jour au lendemain, une personnalité. À dix heures autour de Longchamp, à onze heures au Chalet du Cycle, à midi aux Acacias, le dimanche sur la pelouse du Vélodrome. Il contribua à la fondation de l’Artistic dont il fut vice-trésorier, remplit les fonctions de juge à l’arrivée aux courses des artistes, eut son nom dans tous les journaux sportifs, organisa cette fameuse bataille de fleurs cycliste dont l’échec est resté mémorable, enfin compta parmi ceux qui comptent.

N’oublions pas de mentionner que la grande révolution qui s’est opérée dans la tenue de l’homme chic à bicyclette est due à son bon exemple. Jusque-là ces messieurs, et Beaugrain en tête, se montraient en costume rationnel, culottes courtes, souliers découverts et maillot de laine. De la sorte, on était à son aise. Un