Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/446
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE
LES FOSSILES
Il y a trois ans, l’abbé Géroze, cruellement
éprouvé par la mort de ses plus
proches parents, sollicita de son évêque
la cure de Navailles, en plein pays de
Vernois. C’est un des coins de France
les plus déserts et les plus âpres, et qui
convenait bien à son désir de solitude.
L’église semble surgir du torrent qui la
baigne. Au-dessus s’élève un cirque de
collines que l’on croirait disposées dans
l’unique but de servir de piédestal au
château des comtes de Navailles, vieux
nid d’aigle perché tout là-bas, tout là-haut.
Après quelques semaines de séjour, le
nouveau curé constata qu’il ne pouvait
remplir exactement tous les devoirs de
son ministère dans une paroisse, qui
s’étendait sur plusieurs lieues de rochers
et de landes stériles. Les déplacements
étaient trop longs.
Il se rendit par la diligence à la ville
voisine, acheta une bicyclette, l’enfourcha
aussitôt et revint tout doucement sur
sa machine, heureux de rouler à l’air
frais du crépuscule et de goûter au
charme d’un exercice qu’il aimait.
Il la remisa dans une petite cabane,
au bout de son potager.
Le lendemain matin il trouva la porte
de cette cabane fracturée. La bicyclette
avait disparu.
⁂
Son aventure n’étonna personne. Depuis
quelques années c’était peut-être le
quarantième ou le cinquantième vol de
ce genre qui se produisait en pays de
Vernois.