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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE
La Maison du Repos
Dalsème nous dit :
— Quand mes nerfs trop tendus me
tourmentent, quand je sens mon cerveau
moins docile, il est un coin merveilleux
où je vais chercher l’apaisement et
le calme.
Val-Mont s’érige parmi les jardins et
les bois, à sept cents mètres d’altitude,
au-dessus de la baie de Montreux. Maison
de repos où tout concourt au repos, où
tout est aménagé pour le délassement du
corps, de la pensée, de la volonté.
Les chambres s’ouvrent toutes au
midi. Chacune d’elles est précédée d’une
terrasse bien séparée, close de tous côtés,
sauf vers l’espace. On dirait les alvéoles
d’une ruche. L’air, le soleil, la
lumière y pénètrent à flots.
C’est là que j’aime à me réfugier. On y
respire mieux que nulle part ailleurs.
On y voit les paysages les plus souriants
et les plus sympathiques qui soient, ceux
qu’a immortalisés Jean-Jacques. Les
montagnes ont les formes les plus harmonieuses.
Entre l’eau bleue du lac et
l’eau bleue du ciel, les rêves prennent
une douceur incomparable. Il flotte des
odeurs qui vous grisent. Sur ces rives
favorisées, la nature à quelque chose de
voluptueux et d’oriental.
On s’isole ou l’on se réunit aux autres,
à sa guise. Pour moi, je vis dans une solitude
farouche et délicieuse. Ne point
parler et n’entendre parler personne,
quelle joie profonde ! Nul écho ne parvient
du dehors. Les peines et les soucis
s’arrêtent au seuil de Val-Mont.