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De retour à Paris, l’ayant conduite au Palais de Glace afin de l’éblouir par mon habileté de patineur, je subis l’échec le plus mortifiant : Clotilde était la grâce même. On fit cercle autour d’elle.

J’affectai d’abord de rire à chacune de ces petites épreuves, ou même de n’y point prêter attention. Mais leur répétition commença bientôt à m’énerver, et je ne pus toujours cacher mon amertume. Clotilde s’en amusa, sans penser à mal. Irrité, je fis quelques scènes. Dès lors, par taquinerie, elle chercha les occasions de m’humilier, ce qui lui fut facile. Il y eut des querelles. L’accord était rompu.

Et c’est ainsi que moi, qui me pique d’une certaine élévation morale, j’en arrivai à souffrir auprès de ma seconde femme parce qu’elle me dominait physiquement, de même que j’avais souffert auprès de la première par jalousie cérébrale. Et pourtant, je vous assure que je ne suis pas un enfant, que j’ai l’habitude d’étouffer en moi toute pensée vilaine et que je ne me laisse pas envahir, sans combattre courageusement, par des sentiments. que je juge indignes. Mais que voulez-vous ! l’homme ne peut vivre auprès d’une femme qu’il reconnait supérieure à lui. Et cette fois, ma souffrance était peut-être plus aiguë, car elle provenait d’une infériorité physique. Et cela c’est la blessure la plus cruelle. Sous peine de déchéance, nous devons être les plus forts.

Je répéterai ce que j’ai dit pour Lucienne : la vie n’était plus supportable dans de telles conditions. Un peu de mépris se mêlait aux façons de Clotilde avec moi. Je la détestais. Chaque manifestation de vigueur, d’agilité, de résistance, m’était odieuse chez elle. Je regardais cela comme une injure volontaire, comme une provocation, et, chaque fois,