Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dénuée de tout confortable. Il s’y enferma, désireux de considérer son butin. D’un œil satisfait, avec la fierté légitime que provoque la réussite de toute entreprise, il en fit l’inventaire.

Les jolis flambeaux d’abord apparurent, en argent sans aucun doute, puis la pendule mignonne, émaillée, ornée de pierreries, puis le coffret à incrustations luxueuses.

Mais, soudain, ses yeux se dressèrent, un hurlement s’étrangla dans sa gorge. Là, là, devant lui, quelque chose remuait. C’était une grosse couverture piquée, emportée par mégarde avec les draps. Elle remuait ! Se dominant, du bout des doigts, il eut le courage de la déployer. Certitude horrible : en elle une chose s’agitait.

Et, en effet, l’ayant entièrement déroulée, il aperçut un petit enfant…

…Un petit enfant en chemise, dont les grosses jambes à bourrelets de graisse se démenaient en l’air, un petit enfant vivant.

Il n’y comprenait rien. Certes, la vérité s’imposait à lui : dans son trouble, il n’avait pas remarqué la présence du petit sur le lit, parmi les couvertures, et, pressé par le retour de la bonne, la nourrice probablement, il avait emporté l’enfant au milieu des objets dérobés.

Mais, cette vérité, sa conscience ne l’acceptait pas. Cela lui semblait bien plutôt un miracle… Oui, un miracle déconcertant. Comment ce morceau d’être n’avait-il pas été asphyxié dans la prison des draps et des étoffes ? Comment le choc des objets ne l’avait-il pas tué, ou du moins meurtri ?

Durant des minutes, il le contempla stupidement. Puis ses mains se résignèrent à le prendre. Il le palpa, le caressa avec une crainte respectueuse. La chair rose était intacte. L’enfant semblait simplement s’éveiller. Quel prodige !

Il l’assit et l’étendit sur ses genoux. Le menu corps se détira en mouvements gracieux, la bouche indécise s’ouvrit en un long bâillement, et les yeux clignotèrent gênés par la clarté de la bougie.

À voix basse, mystérieusement, l’homme murmura :

— Qui donc es-tu ?

Une riposte, faite en termes précis, ne l’eût pas étonné. Qui était-ce, cet étranger qui pénétrait dans sa vie de façon si inattendue ?