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des plates-bandes qui longent le rez-de-chaussée, et là, sans descendre, afin que l’empreinte de ses chaussures ne pût être relevée, il avait appuyé sa machine contre le mur, s’était hissé sur la selle, et avait réussi de la sorte à saisir les barreaux inférieurs du balcon.

Donc, de ce côté, aucun doute. D’’ailleurs on retrouva, en remuant le sol, une de ces petites capsules de métal que l’on visse aux valves des pneumatiques, et, plus loin, sur l’herbe, une clef anglaise.

À noter aussi que l’enveloppe était recouverte d’une bande striée antidérapante, système Gravane.

Avec de tels éléments l’enquête semblait facile. Pourtant elle n’aboutit à aucun résultat. Les traces de la bicyclette, à l’aller comme au retour, se perdaient à quelque distance du parc. On recensa dans un rayon de dix lieues tous les possesseurs de machine. On en interrogea un certain nombre. Recherches inutiles. L’affaire fut classée.

De mon côté j’attendais. La bienséance m’interdisait de reparaître au château avant quelque temps. Je savais la baronne profondément affectée par la mort tragique de son mari. Ce n’était point l’heure de l’importuner de mon amour.

Or, à ma grande surprise, ce fut elle qui me relança. Le dixième mois, je reçus une lettre où elle me reprochait mon indifférence à son égard et me pressait de venir au château.

Je n’y allai pas. Et, en vérité, je ne saurais dire pourquoi, car mes sentiments n’avaient point changé.

Une seconde lettre m’arriva, plus aimable encore : « Je vous attends demain mardi sans faute », me disait-elle.

Le lendemain, après le déjeuner, je résolus de me rendre à son invitation. Et c’est alors qu’il se passa ce fait bizarre :

Le cheval que j’avais coutume de monter étant malade, j’appelai Armande, une vieille bonne qui m’a vu naître, et dont le dévouement est sans limites.