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Maintenant il ne doutait plus, et la certitude de la trahison l’exaspérait. Il se sentait capable de tout, oui, de tout, se disait-il, avec des frémissements de rage et des accès de véritable haine contre sa femme. Il lui semblait que tout son amour s’évanouissait, laissant place à un âpre désir de vengeance.

Un soir elle arriva à dix heures. Elle était très lasse, et se coucha sans un mot. Le lendemain elle ne sortit pas. Le surlendemain elle reçut une lettre que M. Dorge réussit à lire. C’était une lettre écrite par une amie de Nevers, laquelle reprochait à Germaine de n’être pas venue, selon sa promesse, et la suppliait de se rendre auprès d’elle au cours de l’après-midi.

La preuve était là. Cette amie, complice, servait d’intermédiaire aux deux coupables.

À une heure, Germaine s’habilla, prit sa bicyclette et partit. Trois minutes plus tard M. Dorge enfourchait la sienne et se lançait à la poursuite de sa femme. Il s’était muni d’un revolver.

Une chose le déconcerta : Germaine ne se dirigeait pas du côté de Nevers. Elle franchit la Loire, tourna quelques kilomètres plus loin, à Sancergues, et s’engagea résolument sur la route de Saint-Amand. Quelles pouvaient bien être ses intentions ?

La route était presque en droite ligne. Heureusement, car M. Dorge, obligé, pour n’être pas aperçu, de se tenir à une certaine distance, eût perdu sa femme de vue. Cependant quelques gouttes de pluie tombaient, de sorte qu’à la rigueur il pouvait se guider d’après la trace des roues.

Germaine traversa Garigny, descendit un instant pour contempler le château de Dois, gagna Mornay-Berry et se jeta dans une suite de chemins secondaires qui lui permirent de passer devant plusieurs châteaux, de côtoyer les étangs de Boute-Auvergne et de Léguilly.