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Durant quatre jours je ne la vis point. Elle avait la fièvre, subissait le contre-coup de la rude épreuve.

Pourquoi suis-je resté ? Nul devoir ne m’y obligeait. Elle-même m’écrivit quelques lignes où elle me suppliait de ne pas interrompre plus longtemps mon voyage.

Cependant, le cinquième jour, j’étais là et je l’accompagnai dans les courses qu’elle fit à travers la ville pour se munir de vêtements et de tout ce qui lui était nécessaire.

Et le sixième jour nous repartîmes ensemble dans ma voiture.

Étape encore silencieuse où l’inconnue ne desserra pas les dents, toujours pâle, secouée de frissons, peureuse sans raison, inquiète dans les villes. Et il en fut de même le lendemain. Mais le surlendemain elle eut un cri d’admiration devant une plaine lumineuse qui nous apparut au sortir d’un défilé. Et le jour d’après elle prononça quelques mots. Et le jour d’après elle sourit.

Et dès lors, chaque jour, en l’éloignant du lieu même de sa souffrance, sembla l’éloigner aussi de sa souffrance elle-même. Quelque chose du passé tombait à chaque détour du chemin. Ses peines s’éparpillaient au vent comme les morceaux d’une lettre cruelle que l’on déchire et que l’on jette autour de soi.

Mais quelles peines, quelle torture affreuse lui avait donné le désir de mourir ? Quel ennemi implacable ou quelle situation intolérable avait-elle fui en fuyant avec moi ? Qui était-elle ? Une amoureuse déçue ? une criminelle ? une victime ?

Elle était douce et bonne et infiniment gracieuse, voimà les seules certitudes auxquelles je parvins peu à peu. Et elle