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Quelle angoisse nous opprima tous ! Il semblait qu’une menace perpétuelle et inévitable nous guettait, frappant ici, frappant là, au hasard. Gueule-Rouge était partout. Il y en avait cent, il y en avait mille, qui, toutes à la fois, poursuivaient leur œuvre de destruction.

On la traqua, on se ligua. Sur son passage supposé, annoncé par dépêche d’une commune à l’autre, on tendit des cordes. En vain ! Elle évitait tous les pièges, bifurquant, rebroussant chemin, s’aventurant même dans les sentiers, disparaissant…

Et au Nord, au Sud, à l’Orient et à l’Occident, le monstre galopait, comme un vainqueur sur le champ du carnage. Il s’amusait et ricanait. Il s’exerçait aux tours d’adresse, cueillant ses victimes, ainsi que l’on cueille des fleurs au talus des chemins.

Il allait, cauchemar effarant, bête de proie, qui tuait pour tuer, force stupide et implacable qui évoquait dans les cerveaux troublés des visions de conquérant barbare, ivre, fou, d’un Attila, fléau de Dieu !…

Maurice LEBLANC.