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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE
Le Triomphe
Arrivé là, Védreuil hésita : continuerait-il
la petite promenade qu’il avait
commencée à l’allure la plus paisible de
sa nouvelle automobile ? Ou bien retournerait-il
à Paris pour y prendre sa femme
et lui proposer un tour au Bois-dans leur
victoria ?
Il fut sur le point de s’enquérir des préférences
de son mécanicien, tellement les
siennes étaient peu marquées. À tout hasard,
profitant d’un carrefour, il vira.
Au même moment une automobile venant
de Paris passa rapidement près de
lui. Sous l’amas des fourrures il reconnu
sa femme et Georges Lubérac.
⁂
L’étonnement lui fit perdre quelques
secondes. Puis, dans un éclair, la vérité
lui apparut… les visites quotidiennes de
Lubérac, la conduite souvent inexplicable
de Suzanne depuis quelques mois…
Comment douter ?
Et, lui, Védreuil, il s’en irait ainsi bénévolement,
tandis que les autres…
Allons donc !
Le virage, nerveusement exécuté, fut
lent. Il dut s’y reprendre à trois fois.
Quand il eut redressé sa voiture, il aperçut
devant lui, au sommet d’une côte, à plus
de mille mètres, les deux fugitifs.
Car certainement ils fuyaient, Védreuil
était convaincu que Suzanne, elle aussi,
l’avait vu et reconnu. Et c’était une
preuve encore de sa faute. Innocente,
elle eût enjoint à Lubérac d’arrêter.