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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE
SERVICE D’AMI
Je ne connais rien de plus délicieux,
quand on vit comme moi dans la bonne
solitude, que de voir cette bonne solitude
troublée le plus souvent possible. Mais il
faut avouer que ce jour-là j’eus affaire
à des personnes particulièrement séduisantes.
C’est à l’auberge du village près duquel
se trouve mon château que je rencontrai
le comte et la comtesse d’Essaur. Tout
de suite une vive sympathie s’établit entre
nous. Le comte, jeune encore, est un
des-derniers gentilshommes de ce temps.
Il compte au nombre de ceux dont on
peut dire qu’ils possèdent la tradition.
Sa conversation a de la chaleur, du piquant
et du fond, si l’on peut s’exprimer
ainsi. Une heure après avoir fait sa connaissance,
j’étais vraiment sous le charme.
Sous le charme aussi de Louise d’Essaur.
La beauté ajoute un tel attrait aux
dons de L’esprit ! Or, la comtesse est belle,
belle comme il sied de l’être, avec douceur,
avec grâce. Bien entendu, ce n’est
pas en une demi-journée que l’on tombe
amoureux, fût-ce de la plus merveilleuse
personne. Cependant j’avoue que je n’ai
pas subi sans trouble l’enchantement de
ces grands yeux noirs et de cette voix
harmonieuse. Encore à l’heure présente…