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— Va toujours, amuse-toi, disait-il ; je forme l’arrière-garde, je porte les bagages.

— Tu portes surtout les miens. Ce que tu l’es chargé pour moi !

Elle lui parlait très gentiment, d’une voix affectueuse. La fine mouche, pensais-je, Et nous repartions.

Le déjeuner à Granville fut très cordial. M. Fumeron en fit tous les frais. Ses opinions de bourgeois, ses tares physiques, son amour pour les titres, ses idées sur la noblesse des La Couche, je mis tout en pleine lumière, sans me départir de la plus respectueuse gravité. Sa femme riait doucement, d’accord évidemment avec moi pour le berner. Cependant comprenait-elle bien le sel de mes plaisanteries ? Si elle avait compris, elle ne se fût pas levée à la fin du repas pour embrasser M. Fumeron, et pour l’embrasser de la façon la plus gentille et la plus simple. Drôle de petite femme !

On reprit la route d’Avranches par la côte, par Saint-Paer et Carolle. Soudain mon pneumatique creva. Je voulus le réparer. Jamais M. Fumeron n’y consentit.

— Les réparations, cela me regarde.

Et il se mit à l’ouvrage, en plein soleil.

Mme Fumeron me dit :

— Laissez-le faire, il est si complaisant !

Se moquait-elle de lui ? Je murmurai :

— Ma foi, tant mieux.

Elle rougit et ne répondit pas.

À Carolle elle fut un peu lasse. Je lui demandai la permission de l’aider. Elle se tourna vers son mari, d’un air interrogateur. Il s’écria :

— Mais oui, ma chérie, accepte. Moi, tu Sais, j’en ai ma part.

Je posai ma main sur son épaule. À mon côté roulait M. Fumeron. Quelquefois sa femme se penchait :

— Ça va ? tu te sens à l’aise ?

Rendu plus bavard par l’excitation de la course, il causait beaucoup. Il me dit