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SUR LES NOMBRES TRANSFINIS.

ment par récurrence transfinie. Ce mode de raisonnement est nouveau, irréductible aux autres, et c’est précisément pour cela qu’il est puissant et utile.

Mais est-on obligé d’accepter ce mode de démonstration ? Nullement ; c’est à chacun de décider s’il est ou non entièrement satisfait par le raisonnement par récurrence transfinie. Seulement, de même qu’à peu près tout en mathématiques n’a été écrit que pour ceux qui admettent le raisonnement par récurrence ordinaire, certains passages de ce livre ne sont écrits que pour ceux qui admettent le raisonnement par récurrence transfinie.

Même si l’on se sent convaincu par les démonstrations par récurrence transfinie, on peut ne pas les aimer, désirer s’en passer ou vouloir délimiter ce que serait le domaine des mathématiques sans ce mode de démonstration. C’est pourquoi nous examinerons certains moyens d’éviter l’emploi de la récurrence transfinie.


VI. — Examen de quelques raisonnements par récurrence transfinie.

Dans le corps de ce livre, nous avons utilisé les nombres transfinis de trois manières différentes : d’abord en faisant usage du théorème de Cantor-Bendixson, puis en employant les chaînes d’intervalles, enfin à l’occasion des travaux de MM. Baire et Denjoy. Examinons ces utilisations et d’abord l’emploi des chaînes.

Supposons donné dans un ensemble bien ordonné de points ; bien ordonné dans le sens des croissants, par exemple. Numérotons-en les points , , …, , , … et supposons que chaque point dont l’indice est de seconde espèce soit point limite de l’ensemble des points d’indices plus petits. Alors nous disons que la division de à l’aide des points considérés est une chaîne d’intervalles.

Une telle chaîne nous servira à évaluer l’accroissement d’une fonction par la formule

,

mais il convient d’expliquer le sens du second membre[1].

Supposons connus des nombres , , … affectés, comme indices, de tous les nombres de la suite inférieurs à un certain nombre . La suite ordonnée de ces nombres est alors de type d’ordre [2]. Le sym-

  1. Cette explication a pu être omise dans le corps de l’Ouvrage et ajournée jusqu’ici, c’est dire à quel point les définitions suivantes sont naturelles et en quelque sorte nécessaires.
  2. La présence d’un terme , rétablit l’accord entre la définition des types d’ordre pour fini et transfini. Voir la note 1 de la page 320.