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SUR LES NOMBRES TRANSFINIS.

mot de nombre transfini nous sont donc inutiles ; celle d’ensemble bien ordonné dénombrable nous suffit.

Au fond, les obscurités que nous croyions apercevoir dans la notion de nombre transfini sont peut-être déjà dans la notion d’entier fini, quand on veut y voir une entité métaphysique, donc peu claire. G. Cantor dit[1] : Nous appelons puissance ou nombre cardinal d’un ensemble , la notion générale que nous déduisons de à l’aide de notre faculté de penser, en faisant abstraction de la nature des différents éléments de et de leur ordre.

Et, pour lui, un type d’ordre est la notion générale qui résulte de lorsque nous faisons abstraction de la nature des éléments de , mais non de leur ordre de succession.

Il paraît difficile de trouver sous ces définitions philosophiques autre chose que les remarques qui précèdent, et dès lors ces définitions se réduisent à une convention de langage : quand nous emploierons le mot nombre, nous rappellerons par là que nous raisonnons sur un ensemble, mais en n’employant que des raisonnements applicables tout aussi bien à tous les ensembles semblables à celui considéré.

La définition des nombres finis et transfinis est ainsi vidée de son contenu métaphysique et ne présente plus d’obscurité. Il est vrai que nous avons montré en même temps que l’emploi du mot nombre est inutile ; mais nous sommes habitués à employer les mots nombres entiers, il nous sera commode d’employer aussi les mots nombres transfinis, ce que nous savons pouvoir faire sans inconvénient[2].

En résumé, quand nous parlerons d’un nombre transfini, c’est que nous nous occuperons d’une suite, c’est-à-dire d’un ensemble bien ordonné dénombrable, définie seulement à une similitude près.


V. — Le raisonnement par récurrence transfinie.

Comment pourra-t-on obtenir une propriété des nombres transfinis ?[3] Pour répondre à cette question, examinons comment on obtient une propriété valable pour tous les entiers. C’est toujours en utilisant à quelque endroit le raisonnement par récurrence.

  1. Ces citations sont faites d’après la traduction de M. Marotte.
  2. Ce qui nous arrive ici se présente toujours quand on éclaircit une notion d’abord obscure. Quand on a su que raisonner sur les nombres imaginaires, c’était raisonner sur des couples de nombres réels, l’emploi des imaginaires était devenu à la fois sans obscurité et sans nécessité. Du moins du point de vue logique ; mais pratiquement, on avait les plus gros avantages à faire usage des imaginaires dont l’emploi était devenu à la fois légitime et avantageux.
  3. Il ne va s’agir que des raisonnements applicables à un nombre transfini quelconque ; des raisonnements relatifs à un nombre transfini particulier pour-