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non. Cauchy cite, comme exemple, la fonction égale à pour positif, à pour négatif. Cette fonction n’est pas continue, elle est formée de parties des deux fonctions continues et  ; elle apparaît au contraire comme continue quand on la note .

Pour conserver aux mots fonction continue leur sens primitif, il aurait donc fallu ne considérer que des expressions analytiques très particulières[1] ; Cauchy préféra modifier considérablement les définitions.

Pour Cauchy est fonction de quand, à chacun des états de grandeur de , correspond un état de grandeur parfaitement déterminé de .

Cette définition paraît la même que celle donnée plus tard par Riemann, mais en réalité les correspondances que Cauchy considère sont encore celles qu’on peut établir à l’aide d’expressions analytiques, car, après avoir défini les fonctions, Cauchy ajoute : les fonctions sont dites explicites si l’équation qui lie à est résolue en , et implicites si cela n’a pas lieu. Le fait que les correspondances sont établies à l’aide d’expressions analytiques n’intervient jamais dans les raisonnements de Cauchy, de sorte que les propriétés obtenues par Cauchy s’appliquent immédiatement ainsi que leurs démonstrations aux fonctions satisfaisant à la définition de Riemann[2].

Pour Cauchy, une fonction est continue pour la valeur si, quel que soit le nombre positif , on peut trouver un nombre

  1. C’est ce qu’avait fait M. Méray qui donnait au mot fonction un sens très voisin de celui qu’on donnait autrefois aux mots fonction continue. M. Méray définit les fonctions par les séries de Taylor et le prolongement analytique ; lorsqu’on adopte les définitions de M. Méray, l’existence des fonctions primitives résulte immédiatement des propriétés des séries entières.

    Mais, si l’on applique les définitions de M. Méray aux fonctions de la variable complexe, on se trouve conduit nécessairement, comme me l’a fait remarquer M. Borel, à considérer des fonctions discontinues d’une variable réelle. Par exemple, lorsqu’une série de Taylor est convergente sur son cercle de convergence, ses valeurs, sur ce cercle, peuvent définir deux fonctions réelles discontinues de l’argument.

  2. Je ne veux pas dire par là que la définition de Cauchy soit moins générale que celle de Riemann ; on ne connaît actuellement aucune fonction riemannienne qui n’admette pas de représentation analytique. Seulement, s’il existait des fonctions qui satisfont à la définition de Riemann, sans satisfaire à celle de Cauchy, elles ne seraient pas exclues des raisonnements.