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LES AMOURS DE W. BENJAMIN

tenir. Il va de soi qu’il n’oublia pas non plus de chanter une fort jolie gamme à ses subalternes.

Disons encore que le soir de ce même jour nos deux anciens pitres purent retrouver, intacte. la précieuse valise dans « l’armoire » où l’avait mise Tonnerre, et cela à la grande satisfaction de William Benjamin qui ne ménagea pas ses éloges à nos deux compères. Et, naturellement, le modèle reconquis fut mis en lieu sûr.

Quant à Grossmann et Fringer, à qui le modèle du chasse-Torpille avait échappé, nous pouvons nous abstenir de dépeindre leur désappointement et leur fureur. Toutefois, comme ils ne sont pas chiens à démordre, nous ne serions nullement étonnés de les retrouver bientôt aux aguets quelque part, dans l’espoir bien juste de se rattraper.

Enfin, pour terminer ce sommaire, ajoutons que Pierre Lebon était parti pour New York emmenant avec lui la jeune et jolie américaine que Benjamin, un soir, avait prise sous sa protection et qui se trouvait être cette mystérieuse Miss Jane. Et nous verrons bientôt comment cette Miss Jane sut jouer ses cartes, et comment, toute bonne joueuse qu’elle était, elle finit par perdre la partie.

Ce petit résumé conclu, nous reprendrons sans plus la suite des événements.

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Quelques jours s’étaient écoulés depuis la fameuse aventure de Tonnerre et Alpaca.

Un après-midi, Lucien Montjoie, l’avocat, se présentait à l’hôtel Corona et se faisait conduire à l’appartement de William Benjamin.

Ce fut, comme on le prévoit, notre petite canadienne. Henriette Brière, qui reçut le jeune avocat. En dépit d’une certaine pâleur, qu’on pouvait attribuer à la fatigue et au surmenage, elle était toujours jolie et mignonne.

— Merci d’être venu, cher ami, dit-elle en offrant sa petite main à l’avocat.

— À votre coup de téléphone j’ai tout quitté pour accourir. Eh bien ! quoi de neuf ?

— Je viens de recevoir une dépêche de Pierre.

— Ah !… Que vous annonce-t-il de bon ou de mauvais ?

— Voyez-vous même !

Henriette prit sur une table un télégramme tout ouvert et le tendit au jeune homme qui lut :

Je tiens Kuppmein. Il n’a pas les plans. Mais suis sur la trace. Que dois-je faire de Kuppmein ? J’attends instructions.           Pierre.

L’avocat rendit la dépêche à la jeune fille et demanda :

— Qu’avez-vous décidé ?

— Rien encore, répondit Henriette dont la poitrine fut déchirée par un long et pénible accès de toux. Rien… reprit-elle… Ah ! quelle toux…

— La soignez-vous au moins ? interrogea Montjoie avec inquiétude.

— J’y emploie tout mon temps et mon argent. Mais bah ! c’est passé… Où en étions-nous ? Bon, je me souviens. Eh bien ! je n’ai rien décidé, parce que je désirais avoir avec vous un entretien avant de définir un plan d’action.

— Parlez, tout ce que je peux faire, je le ferai avec plaisir, et je suis prêt à coopérer de tout mon pouvoir pour la réussite de votre généreuse entreprise.

— Merci, monsieur Lucien. Voici le cas. Vous savez que nous avons pu recouvrer le modèle de Pierre, et je vous ai dit hier dans quelles circonstances ?

— Oui, je me rappelle que vous m’avez parlé d’un certain Parsons et d’Allemands qui auraient été mêles à cette affaire.

— Mais je ne vous ai pas dit que je connais maintenant, le véritable auteur du vol des plans et du modèle ?

— Ah ! qui donc est-il ?

— Excusez-moi de ne pas vous dire son nom aujourd’hui. Du reste, il a agi sous un déguisement et un faux nom, et si je formulais de suite une accusation, elle serait simplement trouvée ridicule, sans compter que je risquerais, par ce fait, de perdre tous les bénéfices déjà acquis. Je veux donc attendre l’heure — puisque toute chose vient à son heure — je veux attendre le moment, dis-je, où je pourrai faire lever le masque et, en même temps, faire éclater la vérité.

— C’est fort sensé, approuva l’avocat.

— Maintenant écoutez bien. Je ne parlerai pas de moi, vu que je suis « morte », sourit Henriette, mais de Pierre sur qui pèse toujours l’accusation de vol, et dont la position est fort empirée par sa « rupture de ban ». Il est à New York, c’est vrai, mais non tout à fait à l’abri, et à tout instant il peut donner dans un piège ou, à son insu, se jeter dans les bras de la police. Si un tel événement se produisait, il pourrait arriver que les plans du Chasse-Torpille nous échappent pour toujours, et que l’arrestation de Pierre apporte avec elle la ruine de notre entreprise.

— Cela est possible, en effet.

— Donc, la liberté de Pierre m’est excessivement précieuse, elle m’est indispensable, et j’ai voulu vous demander si, par certaines procédures judiciaires, il ne serait pas possible de faire suspendre, pour une certaine période de temps déterminée, les activités de la police.

— Je ne connais nulle procédure à cet effet.

— Mais en révélant à la police, par exemple, que nous avons découvert le véritable voleur à qui nous avons repris le modèle ?…

L’avocat eut un hochement de tête dubitatif et répondit :

— Justement ce modèle entre vos mains ne peut qu’aggraver votre position ou celle de Pierre, puisqu’il peut devenir contre vous une pièce à conviction. Il n’y aurait qu’un moyen : traîner le voleur devant les tribunaux.

— Ceci, nous ne pouvons le faire encore. Eh bien ! prenons une autre considération. Si nous prévenions la police que nous avons découvert les agissements mystérieux et dangereux d’une bande d’espions allemands auxquels mon voleur semble être affilié, est-ce que la police n’aurait pas tout intérêt à nous laisser carte blanche,