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LES AMOURS DE W. BENJAMIN

et Tonnerre sur la rue, au grand soulagement du propriétaire qui rentra dans sa maison. Une auto stationnait non loin de la palissade. Un des soldats lança un coup de sifflet, et l’auto se mit en mouvement pour venir stopper devant la grille de la palissade. En quelques instants Alpaca et Tonnerre furent déposés dans la machine sous la garde de quatre solides gaillards, puis l’auto partit rapidement dans la direction de l’est de la ville.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais le dénouement de cette aventure n’arrangeait pas évidemment les affaires de Grossmann.

Désespéré, prêt à vendre son âme à tous les diables, il quitta la cour et se dirigea en titubant vers la maison où il avait rendez-vous.

Il trouva le vestibule de la maison éclairé. Il heurta rudement la porte et entra.

Trois hommes paraissaient l’attendre avec impatience et inquiétude, et à la vue de Grossmann, ils tressaillirent. Et ces trois hommes étaient Benjamin, Parsons et Fringer.

Benjamin tressaillit de joie, car il revoyait Grossman sans la valise.

Les deux autres tressaillirent d’anxiété.

— Eh bien ! demanda Parsons d’une voix à peine distincte… le modèle ?

— On vient de me le voler ! gronda Grossmann d’une voix sourde et tremblante de rage.

Benjamin sourit imperceptiblement.

Parsons pâlit,

Fringer jura.

— Et comment vous a-t-on volé ce modèle ? interrogea Benjamin, qui ne remarqua pas les regards sanglants que lui décochait Parsons.

Grossmann raconta alors la scène que nous venons de décrire.

Une nouvelle imprécation jaillit de la bouche crispée de Fringer.

Quant à William Benjamin, il haussa les épaules avec ennui et dit :

— Puisque c’est ainsi, je n’ai plus rien à faire en cette maison. Bonsoir, messieurs !

Et il sortit avant qu’aucun des trois autres personnages n’eût songé à le retenir.

Suivons Benjamin.

Une fois sur la rue, il prit la direction de l’est d’un pas rapide. Mais il n’alla pas loin : il s’arrêta à cinquante verges environ de la maison qu’il venait de quitter, et il dissimula sa personne dans l’obscurité d’une ruelle.

Il attendit un quart d’heure. Bientôt un pas résonna sur le trottoir. Quelques instants après un homme passa à dix pas de Benjamin, et cet homme, il le reconnut pour Peter Parsons. Il se mit à le suivre d’assez près.

Parsons gagna la rue Bleury, descendit la côte, prit à gauche Lagauchetière et alla s’arrêter devant cette même maison où, un soir, Miss Jane l’avait suivi.

Benjamin, un peu étonné et désorienté peut-être. alla se poster dans un passage obscur à proximité. Il attendit. Parsons était entré dans la maison. Un quart d’heure s’écoula, et le bruit d’une porte qu’on ouvre et referme attira l’attention de Benjamin. L’instant d’après un homme passa devant l’ouverture du passage, et quoique l’endroit fût peu éclairé, le pseudo-banquier reconnut le passant…

— Le colonel !… murmura-t-il.

Oui, c’était bien le colonel Conrad qui venait de sortir de cette maison où quelques minutes auparavant Peter Parsons était entré.

— Allons ! se dit Benjamin avec un soupir de satisfaction, J’avais deviné juste. Décidément, la partie est à demi gagnée.

Et il ajouta avec un petit ricanement moqueur :

— Je crois, Monsieur le colonel Conrad, qu’avant longtemps nous pourrons rire !…


VIII

L’ÉTRANGE AVENTURE DE TONNERRE ET ALPACA


Pour expliquer l’arrestation inattendue de Tonnerre et Alpaca, il nous faut revenir au moment où à l’Aréna, le Colonel et James Conrad avaient vu Pierre Lebon leur échapper. Mais avant l’incident, le colonel, à l’instant où l’on fermait les portes de l’Aréna, avait aperçu dehors deux individus qui n’avaient pas manqué d’exciter sa curiosité : c’étaient nos compères Alpaca et Tonnerre.

— Bon ! s’était dit le colonel, je retrouve encore ces deux oiseaux. C’est assez drôle que là où se trouve Benjamin ou Lebon, se trouvent aussi ces deux croquants. Cette fois, je vais prendre mes précautions…

La minute d’après où l’on avait constaté que Lebon n’était plus à l’Aréna, le Colonel, tout en rage, avait vu passer près de lui deux militaires, dont l’un portant le galon de caporal.

— Bonsoir, caporal ! dit-il

Le militaire ainsi interpellé s’arrêta court, manifesta sa surprise, puis salua.

— Approche ! commanda le colonel.

L’autre obéit, tandis que son compagnon se mêlait à la foule.

Pendant cinq minutes le colonel entretint mystérieusement le caporal, puis, comme ce dernier approuvait de la tête les choses que lui confiait son supérieur, celui-ci demanda :

— Puis-je compter sur toi et tes hommes ?

— Oui, mais je n’ai ici que six de mes hommes.

— C’est assez, sourit le colonel. Rassemble les à toute vitesse et conduis-les sur la rue Dorchester. Là, je suis sûr que vous trouverez le gibier en question.

— C’est bien, monsieur, dit le caporal.

— Tiens, prends ceci en attendant, ça vous permettra de vous procurer quelques flacons pour passer la nuit.

Et il mit dans la main du caporal quelques billets de banque.

Le caporal empocha l’argent, fit le salut réglementaire et alla à la recherche de ses hommes.

— Bien, se dit le colonel avec un sourire satisfait, si je manque Lebon, je compte bien tenir dans mes mains mes deux oiseaux et par eux obtenir des renseignements qui me vaudront de l’or !

Et nous savons comment les deux oiseaux