Page:Lebel - La valise mystérieuse, 1930.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
LA VALISE MYSTÉRIEUSE

— Voleur !… Assassin !…

Mais ce fut tout… Parsons l’abattit à ses pieds d’un violent coup de poing à la poitrine. L’inconnue demeura inanimée sur les dalles du vestibule.

Parsons ne parut pas éprouver la curiosité de savoir qui était cette femme. Il enjamba le corps inanimé et courut vers la porte de sortie.

Mais là encore un autre personnage lui barrait la route, et celui-là offrait un aspect plus terrible que le premier : car, tout en souriant et en grimaçant, il tenait un énorme revolver braqué sur Parsons. Ce dernier frémit et recula d’instinct, frappé d’épouvante.

Le personnage au revolver profita de la retraite de Parsons pour pénétrer dans le vestibule dont il referma soigneusement la porte en ayant soin d’y demeurer appuyé du dos. Puis, d’une voix rapide et basse, il prononça les paroles suivantes :

— Il y a dans la rue deux policemen, et je n’ai qu’un mot à dire pour les attirer de ce côté. Et il y a là-haut un cadavre, là, à vos pieds, cette femme inanimée, et, enfin, dans vos poches une somme d’argent si forte qu’on vous en demanderait la provenance… entendons-nous donc !

— Qui es-tu ? interrogea Parsons blanc de terreur.

— On m’appelle Fringer.

— Que veux-tu ?

— Ma part, simplement.

Parsons garda le silence pour réfléchir, mais sans perdre de l’œil Fringer qui tenait toujours son révolver à la main.

— Allons ! que décidez-vous ? demanda Fringer impatienté.

— Veux-tu d’abord m’aider à emmener cette femme hors d’ici ?

— Si vous y mettez le prix, oui.

— Combien veux-tu ?

— Deux mille dollars !

— Tu me demandes exactement la moitié de l’argent que je viens de toucher, c’est trop !

— Eh bien ! Je veux cette moitié et par-dessus le marché je vous aide dans vos besognes funèbres… payez !

— Non… c’est trop !

— Soit. Il ne me reste plus qu’à me rendre jusqu’à la rue et d’appeler ceux dont vous ne tenez pas à la visite.

— C’est bon, gronda Parsons, j’accepte. Voici les deux mille dollars. Seulement, je te les paye, non par crainte des agents de police dont tu me menaces, mon ami, mais seulement pour le service que je t’ai demandé. À présent, sais-tu conduire une auto ?

— C’est mon métier.

— En ce cas, cours louer une machine et reviens le plus tôt possible.

— C’est bien, dans un quart d’heure je serai de retour.

Et Fringer remit son revolver dans sa poche et partit.

Une fois seul, Parsons, mû à présent par la curiosité, se pencha sur la femme inanimée et promena les rayons de sa lanterne sur le visage voilé. Mais l’épaisseur du voile ne permettait pas de distinguer les traits.

— Qui peut bien être cette femme ? se demanda-t-il. Avec précaution il souleva le voile. Mais il frémit et bondit, et s’écarta de la femme comme avec horreur. En même temps ses lèvres prononcèrent sourdement ce nom :

— Henriette… Henriette Brière !…

Oui, c’était bien Henriette, la fiancée de Pierre Lebon !

Mais comment et pourquoi Henriette était-elle dans cette maison mystérieuse ?

Mais comment Peter Parsons connaissait-il Henriette ?

La suite des événements nous donnera probablement une réponse satisfaisante à ces deux questions.

Cependant, Parsons retrouvait son sang-froid. De nouveau il se pencha sur le corps d’Henriette et la considéra avec une attention singulière. Un sourire cruel et féroce passa rapidement sur ses lèvres et il murmura :

— Cette femme est une ennemie et un démon si terribles, qu’une seule parole de sa bouche pourrait faire tomber ma tête !

Il frissonna.

Mais à nouveau son sourire affreux entr’ouvrit ses lèvres puis il consulta sa montre.

— Minuit moins quart ! dit-il.

Il prêta l’oreille : au dehors comme au dedans le silence régnait.

Parsons se dirigea vers une banquette, s’y allongea, éteignit sa lanterne et attendit.

Cinq minutes s’écoulèrent dans un silence de mort.

Le même bruit continuait à se faire entendre, et ce bruit ressemblait fort au pas traînant et incertain de quelqu’un qui marche à tâtons dans la noirceur. Le pas s’arrêta un moment sur le palier supérieur devant l’escalier, puis commença à descendre lourdement. En même temps aussi Parsons perçut le bruit d’une respiration rauque.

Ses prunelles se dilatèrent sous l’horreur qui l’envahit son front s’humecta d’une sueur glacée, son épiderme frissonna, lorsque son regard éperdu crut distinguer une sombre et fantastique silhouette descendre l’escalier en se retenant à la rampe.

Tout à coup, à l’étage supérieur, retentit un bruit insolite.

Parsons se dressa, et, le cœur battant d’inquiétude et d’effroi il écouta.

Puis, tout étourdi par le vertige de l’horreur et les deux mains crispées sur son cœur comme pour l’empêcher de s’éteindre ou de s’envoler, Parsons vit l’être étrange et spectral traverser le vestibule d’un pas chancelant, franchir le seuil de la porte, descendre le perron et disparaître enfin dans les ténèbres du dehors.

La maison était retombée dans son silence obscur et tragique avec comme unique vivant, peut-être, Peter Parsons qui, figé d’effroi, tentait d’essuyer d’un revers de main l’abondante sueur qui dégouttait de son front.

Cinq minutes encore se passèrent mais des minutes atrocement longues pour Parsons qui, à chaque instant, s’imaginait voir surgir de nouveaux spectres dans cette lourde obscurité. Et son esprit était tellement bouleversé par l’épouvante qu’il ne songeait pas, pour dissiper la