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LA VALISE MYSTÉRIEUSE

paierez les autres dix mille. Vous vous gardez, je me garde, voilà tout.

— Vous ne me comprenez pas, répliqua Kuppmein agacé : en ce moment je ne pourrais vous payer plus de dix mille dollars.

— Pardonnez-moi de vous avoir mal compris. Néanmoins, je vous avouerai que je suis très désireux de faire un petit voyage dans la Métropole américaine, et puisque l’occasion s’en présente.

— Comme vous voudrez.

— Où nous reverrons-nous ? demanda l’inconnu.

— Venez demain soir à cette même maison d’où vous m’avez vu sortir tout à l’heure.

— Bon. À quelle heure ?

— Mettons onze heures.

— J’y serai.

Sur ce les deux hommes se séparèrent : Parsons s’éloigna rapidement vers le Square Dominion. Kuppmein rebroussa chemin pour aller retrouver ses associés et leur faire part de sa transaction.


VI

LE VOL MYSTERIEUX


Nous avons laissé Pierre Lebon et Henriette Brière remontant la rue Saint-Jacques tout en se livrant aux petites confidences.

Arrivés au Boulevard Saint-Laurent, ils montèrent dans un tramway en direction de la rue Sainte-Catherine. Là, ils descendirent et pédestrement prirent la direction de l’ouest de la cité.

Pierre avait dit :

— Si nous allions prendre un petit lunch ?…

Et Henriette avait accepté. D’ailleurs tous deux sentaient ce besoin des fiancés de se communiquer leurs pensées, de se voir, de se presser l’un contre l’autre et de s’imaginer que, déjà ils sont unis pour la vie. Les deux amants marchèrent lentement, se disant mille riens, mais de ces riens qu’adorent les amoureux. Ils avaient oublié le monde et ses réalités, lorsque tout à coup une voix de femme prononça très distinctement :

— Bonsoir, Henriette !

Les deux amoureux s’arrêtèrent net, et Henriette leva ses regards limpides sur une jeune fille élégante et jolie. Un jeune homme de bonne mine, droit et fier, donnait galamment le bras à la jeune fille.

— Tiens, Ethel !… Comment vas-tu, chérie ? s’écria Henriette ravie de cette rencontre.

Aussitôt elle inclinait la tête vers le jeune homme, et, très souriante, disait :

— Bonsoir, Monsieur Montjoie !

Le jeune homme salua respectueusement. Et tandis qu’Henriette et celle qu’elle avait appelée Ethel se rapprochaient, Pierre Lebon et le compagnon d’Ethel se donnaient la main.

— Et toi, mon cher Lebon, disait Montjoie, est-ce que je ne lis pas sur ton visage tous les indices du plus pur bonheur ?

— Mon cher ami, répliqua Pierre toujours radieux, je suis en vérité tout à fait heureux grâce au généreux père de Miss Ethel.

— Au fait, Ethel venait précisément de m’informer que James Conrad a acquis tes droits de propriété à l’admirable invention pour laquelle je t’ai déjà félicité. Si tu le permets, je te renouvelle ces félicitations.

— Merci.

— Pardon, messieurs, fit Ethel Conrad en s’approchant des deux jeunes hommes, savez-vous ce que nous décidons, Henriette et moi ?

— Mademoiselle, répondit Pierre, toute décision venant de vous et de mademoiselle Henriette sera religieusement respectée par mon ami Montjoie et moi-même.

— Voici donc ce qu’il a été convenu, monsieur Lebon : nous allons nous rendre tous quatre à notre résidence d’été à Longueuil où vous passerez la nuit, Henriette et vous. Que dites-vous de cela, monsieur Lebon.

— Mon Dieu — je n’ai nulle objection du moment que Mademoiselle Brière y consent, et je serai, pour ma part, très honoré, par cette hospitalité que vous nous offrez.

— Alors, en route ! commanda Ethel.

Et nos quatre amis montèrent dans une auto pour se faire conduire au traversier qui faisait le service entre l’Île de Montréal et le village de Longueuil situé sur la rive du fleuve.

Le lendemain matin, vers les neuf heures, James Conrad, Lucien Montjoie, Pierre Lebon et Henriette débarquaient gaiement du bateau de Longueuil et montaient jusqu’à la rue Notre-Dame. Là, Conrad et sa secrétaire prenaient un tramway pour se rendre à leurs bureaux, tandis que Montjoie et Lebon prenaient à pied le chemin de leur domicile respectif.

Mais avant de se séparer, Conrad avait dit à Lebon :

— Je compte vous revoir bientôt avec le modèle ?

— Soyez tranquille, avait répondu Pierre, à dix heures je serai à votre bureau.

Ce matin-là, tous les employés de la Conrad-Dunton Engineering Company étaient déjà à leur besogne lorsque Henriette et son patron arrivèrent.

Henriette trouva sur son pupitre le volumineux courrier du matin. Sa première besogne, c’était de prendre connaissance de ce courrier, puis de faire la distribution des lettres à ceux qu’elles concernaient plus particulièrement. Cela fait, elle remettait à Conrad et Dunton leur courrier personnel et les lettres dont ils devaient prendre connaissance, puis elle demeurait à la disposition de l’un ou de l’autre de ses deux chefs.

Ce fut à Dunton, ce matin-là, qu’elle rendit les premiers services. Elle prit quelques lettres sous dictée et regagna son cabinet. Peu après Conrad l’appelait pour dicter, à son tour, quelques lettres d’affaires. C’est à ce moment que Dunton parut et demanda à Conrad de sa voix sèche :

— Avez-vous sous la main ces plans du Chasse-Torpille ?

— Vous désirez les voir ?

— Oui, pour les consulter.

— Très bien, ils sont dans mon coffre-fort. Je vais vous les remettre à l’instant.

Et Conrad fit pivoter sa chaise et se pencha vers le coffre-fort dont il fit jouer la combinaison. Mais au premier coup d’œil qu’il jeta dans l’intérieur du coffre-fort, il tressaillit. Puis d’une