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LA PETITE CANADIENNE

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LA VIE CANADIEN NE

premiers n’étaient pas venus en Amérique pour y établir leurs fovers et fonder une patrie, mais uniquement pour y faire le commerce et s’enrichir au plus tôt. Aussi négligèrent ils le déboisement du sol et son défrichement, de sorte que, dans les tomps où le commerce n’allait pas, les colons anglais sc trouvaient à manquer des choses les plus necessaires à la vie, et pour ne pas mourir de faim ils se voyaient forcés de demander des secours à leur métropole. Puis, a mesure que les années s’écoulaient, ils constataient que les fortunes convoitées ne s accumulaient pas aussi rapidement qu’ils avaient pensé. Ensuite, pour le pire, ils s’aperçurent que les gros commerçants d’Angleterre les exploitaient indignement.

C’est alors qu’ils avisèrent leurs voisins, les Acadiens. Jls furent tout à coup surpris d’y voir un peuple vivunt par lui-même sur un vaste et riche domaine, cultivant des champs superbes d’où jaillissait I abondance, élevant des troupeaux de toute beauté, et vivant de tout le bonheur qu’il était possible. Ils furent éblouis, se demandant comment ce peuple avait pu faire. Les Acadiens avaient fait simplement ce que les colons de la Nouvelle-Angleterre n’avaient pas eu le courage d’entreprendre. Ils avaient déboisé, défriché, labouré. semé, récolté, et ce beau et vaste domaine qui allumait maintenant l’envie, ils ne le devaient qu’à eux-mêmes, à leurs durs labeurs, à leur courage et à leur persévérance. Ils s’étaient créé comme un ]>etit royaume où ils vivaient en maîtres, à l’abri du besoin et dans une sérénité qui faisait leur bonheur. Les colons de la Nouvelle-Angleterre ne tardèrent donc pas d’envier ces heureux de l’Amérique, et dès lors ils convoitèrent non seulement leurs bien», mais même leur courage et leur esprit de famille, si l’on peut dire. La jalousie et l’envie les portèrent à tous les crimes. Ce fut d’abord la calomnie qui s’appesantit sur le caractère du peuple acadien ; puis, la convoitise grandissant, et se voyant les plus forts par le nombre, les Néo-anglais décidèrent de s’emparer du pays et des biens de leurs voisins, le peuple le plus pacifique de la terre. Ce fut de ce jour que commencèrent les rencontres sanglantes entre ceux qu’on a appelés les « corsaires acadiens » et ceux qu’on aurait pu nommer les « pirates bostonnais ». Oui, mais s’il a existé des corsaires acadiens, ce sont les Bostonnais qui les xmt fait surgir des eaux de la mer. Ils ont voulu apporter le fer et le feu dans un pays qui ne leur appartenait à aucun titre ; il arriva que. les gens de ce pays, les Acadiens, se dressèrent contre les intrus pour les repousser hors de leur domaine. Mais les Bostonnais revinrent à la charge, et. usant des mêmes procédés que les Iroquois en Nouvelle-France. ils apparaissaient à l’improviste et se livraient à toutes les déprédations imaginables. Alors les Acadiens 11e purent supporter davantage les raids sauvages de leurs voisins ; ils s armèrent en guerre à leur tour, et pour décourager les perfides entreprises des Bostonnais et recouvrer leur tranquillité et leur sécurité, ils rendirent à ees derniers oeil pour oeil, dent pour dent.

Dans son avant-propos, M. Miilchclos.se nous dit que ees tueries et ees incursions sanglantes étaient dans les moeurs du temps ; il aurait pu ajouter, sans s’écarter de la vérité, quelles sont de tous les temps : les Allemands en ont établi la preuve dans le pays des Belges lors de la dernière guerre. Seulement. au temps des Acadiens, il importe de distinguer. Ces moeurs sanguinaires et Tapineuses pouvaient se trouver parmi les peuplades sauvages de l’époque, mais les Bostonnais, pas plus que les Canadiens et les Acadiens, n’étaient ries barbares. Ces moeurs pouvaient aisément s’acquérir et se calquer au contact des sauvages, et il semble <ju’elle3 purent s’acclimater mieux chez le peuple de la Nouvelle-Angleterre que chez le peuple de la Nouvelle-France et celui de l’Acadie. On peut dire que les Bostonnais ont copié les Iroquois ; mais on n’en pourrait dire autant des Canadiens et des Acadiens. Ceux-ci sc sont trouvés à leur corps défendant, et leurs incursions en pays voisin ne pouvaient être que justes représailles, lesquelles étaient jugées nécessaires pour la protection de leurs biens, de leur foyer et de leur vie. Chez les Bostonnais ce ne furent pas représailles, mais pures pirateries, aussi doivent-ils en garder toutes la responsabilité et toute l’infamie, Car jamais le Canadien ou l’Acadien n’aurait envahi le domaine d’un voisin honnête et paisible. Et les Iroquois. . . peut-on tellement blâmer leurs raids terribles en Nouvelle-France et leurs féroees tueries ? Certes, leur barbarie séculaire les portait aux plus affreux saccages ; et cependant peut-on leur tenir rigueur lorsque ces indigènes voyaient leur pays envahi par des peuples étrangers qu’ils redoutaient ? Ils se