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CHAPITRE I

OÙ FRINGER RETROUVE SES AMIS


Huit heures du soir.

New York flamboie.

Resplendissante de lumières Fifth Avenue est remplie de luxueux équipages qui se croisent en tous sens. Les promeneurs sont foule. La gaieté et la joie de vivre semblent régner de toutes parts. Du reste, la soirée est délicieuse, tiède et parfumée. C’est la fin mai de cette année 1917.

Une auto s’arrêta devant le Metropolitain Apartments, un homme en descendit, paya le chauffeur et pénétra dans l’édifice.

Cet homme, c’était le capitaine Rutten.

Au moment où la machine portant Rutten s’arrêtait, une autre auto, qui avait paru suivre celle du capitaine, vint se ranger le long du trottoir à cinquante pas environ de la première.

Un individu sauta hors de la voiture, dit quelques mots au chauffeur qui esquissa un signe de tête affirmatif, et se dirigea d’un pas nonchalant vers le Metropolitan.

Cet homme était vêtu d’un veston noir. Il portait un pantalon blanc tombant sur des bottines en cuir verni, et il était coiffé d’un de ces chapeaux de paille appelés par les Anglais « Boater », et que nous appelons canotier. Ses mains étaient gantées de gris. Il semblait se donner les allures d’un sportsman. Malheureusement il n’avait aucunement la taille d’un athlète. Il était plutôt petit, grêle et d’une physionomie maladive. Sa lèvre supérieure était agrémentée d’une énorme moustache noire dont les pointes étaient tortillées en queue de cochonnet. Et dans ce personnage notre lecteur aura, nul doute, reconnu « Monsieur Fringer ».

Oui, c’était bien Fringer.

Et Fringer, ayant marché jusqu’au Metropolitan, s’arrêta à la devanture vivement éclairée du café luxueux qui occupait l’un des angles de l’édifice, et y plongea un regard ardent. Après huit heures les convives sont plutôt rares, car les lieux d’amusements attirent tous les désœuvrés, de sorte que Fringer n’y découvrit, du moins dans la salle commune, que sept ou huit consommateurs, et parmi ces derniers il ne parut pas découvrir ce qu’il cherchait. Alors, il s’avança jusqu’à la grande porte d’entrée qui demeurait grande ouverte.

À la clarté d’un lustre électrique qui illuminait le spacieux vestibule, Fringer ne vit d’autre personnage que le préposé à l’ascenseur qui, le dos appuyé à la cage de sa machine, parcourait un journal du soir.

Fringer entra, s’approcha de l’employé, lui glissa dans la main deux pièces de monnaie, et demanda :