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L’ŒUVRE IGNORÉE DE L.-P. MOUILLARD

« Il y avait à un kilomètre de la ferme un terrain nu, sans herbe ; le sol était plat comme une glace. Je trouvais que ces conditions avaient une certaine similitude avec la surface de la mer par un temps calme.

« J’y transportai le numéro 4, qui avait l’air rigoureusement aussi inerte que les trois devanciers. Je le déposai sur cette immense aire et m’éloignai. Il ventait frais de l’ouest. Notre animal resta couché un bon moment, finit par mettre le bec au vent, puis s’étira les ailes. Alors il me montra que j’avais sainement réfléchi.

« Prenant sa course en battant des ailes, qui n’étaient pas gênées par les herbes, il parcourut ainsi une centaine de mètres, portant de moins en moins sur les pieds, puis seulement sur les ailes, mais toujours raz terre. Enfin, d’un seul bond, en prenant le vent, il s’enleva à vingt mètres, revint sur moi, et là me dit :

« Souviens-toi, cher sauveur, que, dans la direction aérienne, la question de base est la vitesse.

« C’est certainement ce que j’ai bien compris ; et depuis lors je me suis de plus en plus persuadé de la justesse de ce principe.

« Vitesse, toujours vitesse, produite par la chute, produite par le courant d’air, par le battement si on veut, c’est toujours la puissance qui soutient, et hors de laquelle l’air ne porte plus… »

N’inférez pas de ce récit tiré de l’Empire de l’Air que Mouillard se complait à l’étude du laboratoire qui sacrifie l’être ailé. Quelle généreuse poésie viendra naturellement éclore sous sa plume quand, dans le Vol sans Battement, il décrira le même oiseau en liberté dans la rafale !

« … Tout est fermé à bord, tout est serré ; arrimé, le pont est balayé par les coups de mer.