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LE VOL SANS BATTEMENT

Il faut donc abandonner l’idée enracinée que, pour voler, il faut absolument frapper l’air, faire l’effort violent de renonciation à nos idées reçues et parfaitement établies, on devrait dire fixées, vissées en nous depuis notre naissance… qui nous disent qu’on ne vole qu’en battant des ailes. Il faut laisser nos rêveries irréalisables du vol gracieux : le passereau, l’insecte doivent être oubliés comme évolution, et reporter nos pensées sur le glissement. Il faut donc le voir ce vol qui se fait sans effort, ou, si on ne le peut, croire ceux qui l’ont vu.

Bien peu de personnes aptes à analyser le vol plané se sont trouvées dans des conditions heureuses pour observer les grands maîtres de ce genre souverainement étrange de translation ; mais cependant beaucoup de gens, qui ont des yeux pour s’en servir ; ont aperçu, non pas la démonstration catégorique du vol sans battement, mais des essais, des ébauches de cette manœuvre. Ainsi, tout habitant du bord de la mer a perpétuellement en vue le goëland, oiseau qui plane à peu près, mais bien rarement ; celui qui réside à la campagne aperçoit de loin en loin la buse, le Jean-le-Blanc, quelquefois le milan, tous oiseaux qui sont très intéressants par moments, mais qui malheureusement ne sont visibles qu’à des intervalles si éloignés les uns des autres que ces observations ne se lient plus.

Il faut donc, maintenant que le vol à la voile est dénoncé à l’étude, observer sans cesse et ne pas se décourager… On passera peut-être un temps-très long sans voir aucun acte de vol digne d’intérêt, mais il ne faut pas abandonner l’étude ; une fois ou l’autre on sera récompensé par la vue d’une évolution qui restera gravée d’une manière indélébile dans l’entendement et qui persuadera que tel acte peut se faire sans ramer.

Toutes ces observations rares et espacées, cousues bout à bout, réunies dans la mémoire, feront compren-