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CAUSERIES

Ainsi le milan, ce professeur perpétuel de difficultés inimitables a, lui-même, de bons instants ; il produit, de loin en loin, des manœuvres d’une simplicité surprenante. On se demande en le voyant voler de ce vol naïf : pourquoi n’emploie-t-il pas toujours ce procédé infiniment moins compliqué que ceux qui lui sont usuels ? C’est que interviennent une foule de raisons qui n’ont aucun rapport avec l’aviation ; c’est qu’il est milan, oiseau actif, énergique, puis, qu’il vole pour lui et non pour professer.

Pour pouvoir faire un pareil choix dans les évolutions des volateurs il faut assurément avoir un grand nombre d’exemples sous les yeux. La quantité des oiseaux qu’on a à portée de la vue est beaucoup, mais ce n’est cependant pas tout ; il faut regarder et assidûment. Il y a des gens qui ont des yeux pour ne pas voir. Combien dans notre bonne ville du Caire, véritable paradis des voiliers, n’ont pour ainsi dire pas remarqué qu’il y a plus de milans qu’ailleurs, et qui par dessus le marché n’ont jamais vu ni pélican ni vautour ? Quand on sait voir on trouve dans les airs des êtres ailés de grande taille qui passent tout à fait inaperçus des gens qui n’observent pas. Ainsi, en 1881, en pleine rue de Paris, j’ai montré à un groupe de connaissances deux aigles qui passaient au-dessus de nous. Il fallut de l’attention à ces gens qui n’étaient pas initiés à cette. recherche pour arriver à comprendre que ces deux oiseaux, qu’ils prenaient pour des pigeons, avaient un mètre cinquante au moins d’envergure, mais enfin, une fois leur attention bien éveillée, ils convinrent que, si je ne les avait pas fait remarquer, ils ne les auraient pas soupçonnés.

Il faut apprendre à voir ! L’observation est comme le dessin, elle demande non seulement une aptitude et une conformation spéciale de l’œil, mais même une